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modes, et à se soumettre aux prétentions. Sur l’exemple de ceux qui prirent cet usage, et la connoissance que M. le comte de Soissons y étoit attaché, il prévalut bientôt partout. Comme il ne donnoit ni rang ni avantage réel à ce prince, le roi laissa dire et faire, en sorte que non seulement le comte de Soissons resta toute sa vie M. le Comte tout court, mais que cette dénomination passa après lui à M. son fils qui l’a conservée toute sa vie. Nul autre prince du sang ne portoit alors le titre de comte.

M. le Prince, quelque ennemis que le comte de Soissons et lui fussent, n’eut garde de trouver mauvaise une distinction mise à la mode pour un cadet de sa maison ; mais elle lui donna l’idée de multiplier la sienne, et de faire appeler le duc d’Enghien, son fils aîné, M. le Duc tout court. Il y réussit avec la même facilité que son oncle avoit rencontrée à se fait appeler tout court M. le Comte, et ce nom tout court de M. le Duc a passé depuis comme de droit acquis aux fils aînés des deux derniers princes de Condé, en sorte qu’il y en eut quatre de suite appelés M. le Prince, quatre M. le Duc, et deux M. le Comte, parce que la branche de Soissons a fini au second, tué sans alliance à la bataille de Sedan ou de la Marfée, 6 juillet 1641, à quarante-deux ans.

Ce prince n’avoit point de frère et avoit eu quatre sœurs. Deux étoient mortes sans alliance, et l’aînée n’avoit laissé qu’une fille du duc de Longueville, qui épousa ensuite la fameuse sœur de M. le Prince le héros. Cette fille du premier lit fut la dernière duchesse de Nemours, dont il a été parlé plus d’une fois ici, et qui eut tant de procès avec M. le prince de Conti. L’autre sœur, qui n’est morte qu’en 1692, à quatre-vingt-six ans, porta, entre autres biens, le comté de Soissons au prince Thomas, fils de Savoie, appelé le prince de Carignan, mort en 1656, dont elle eut entre autres deux fils, le fameux muet, père du prince de Carignan, mort depuis peu à Paris, mari de la bâtarde du premier roi