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princes du sang, sans leur dire une parole ; leurs femmes de même par les princesses jusqu’à l’antichambre ; souvent on jetoit son manteau avant qu’ils fussent hors de vue, et ces manteaux qu’on ne prenoit qu’en entrant, on les mettoit tout de travers ; les princes du sang le sentirent vivement, mais, contents de leur victoire, n’osèrent rien dire en cette introduction ; ils eurent même tant de peur qu’on ne s’excusât faute de manteaux qu’il y en avoit des piles à leur porte, qu’on présentoit et qu’on reprenoit avec toutes sortes de respect et sans rien demander. Personne n’y alla ensemble ; en un mot on fit du pis qu’on put.

M. le duc d’Enghien étoit chez M. le Duc, qui crut montrer par là un grand ménagement, pour ne pas faire aller chez lui à la ville. Les princes du sang étoient en grand manteau et en rabat, dans tout l’appareil lugubre, et les princesses du sang en mantes, tant que les visites durèrent.

Le dimanche suivant le roi les alla voir, et Mme la duchesse de Bourgogne ensuite, mais elle ne fut point chez les princes ni aucunes dames. Mme la Duchesse, grosse de sept mois, reçut toutes ses visites au lit, ayant Mlles de Bourbon et de Charolois dans sa chambre, en mantes, qui faisoient les honneurs et qui ne reçurent point de visites chez elles.

M. le prince de Conti, sa queue portée par Pompadour et accompagné du duc de Tresmes comme duc, fut, le mardi 9 avril, donner l’eau bénite de la part du roi, dont la cérémonie fut pareille à celle de feu M. le prince de Conti que j’ai rapportée ; il s’y vit deux nouvelles usurpations, dont la première se hasarda à celle de M. le prince de Conti et se confirma en celle-ci ; c’est que La Noue, gouverneur de M. le duc d’Enghien, monta dans le carrosse du roi et, s’y mit à la portière. En celle-ci, celui de M. le prince de Conti en fit autant. On a vu (t. Ier, p. 365) les différences des principaux domestiques des fils et petits-fils de France d’avec ceux des princes du sang bien expliquées et bien prouvées, et par faits, dont deux principales sont que ces derniers n’entrent