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et à l’État, et notamment celui que vous venez de lui rendre par la longue, brave et vigoureuse défense que vous avez faite dans la ville et dans la citadelle de Lille. Vous avez fait paroître par votre prudence, votre activité inconcevable et votre intrépidité, tout ce qu’on pouvoit attendre d’un général aussi consommé, d’un sujet aussi reconnoissant, d’un citoyen aussi affectionné que vous l’êtes. »

Le maréchal lui répondit :

« Monsieur, je n’ai point de termes assez forts pour exprimer la vive et sensible reconnoissance de l’honneur que la cour me fait. Je voudrois être digne des grâces que le roi vient de répandre sur moi, des éloges que vous me donnez, et des marques de bonté que la cour me donne en cette occasion. Si quelque chose pouvoit me les faire mériter, ce ne pourroit être que mon extrême zèle et dévouement pour le service du roi et de l’État, et la parfaite vénération que j’ai pour cette auguste compagnie, et en particulier pour votre personne. »

Je ne sais comment il m’étoit échappé de n’avertir pas le maréchal du compliment qu’il recevroit, et de celui qu’il auroit à faire ; mais il ne le fut que le matin même. En arrivant dans la grand’chambre, il nous montra et nous consulta sa réponse à M. de Chevreuse et à moi, dont il eut à peine le temps, et que nous louâmes comme elle le méritoit. Aussitôt qu’il l’eut achevée, la cour se leva sans appeler de cause selon la coutume, parce que la longueur de la vérification avoit emporté tout le temps. Tous les princes du sang et presque nous tous demeurâmes à la grande audience.

En sortant, le maréchal, s’adressant à ce grand nombre de gens de guerre qui se trouvèrent là, ou qui l’y avoient accompagné, surtout à ceux qui avoient été dans Lille, leur dit de fort bonne grâce : « Messieurs, tous les honneurs qu’on me fait ici, et toutes les grâces que je reçois du roi,