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époux, et se montra si irritée, que le comte d’Évreux ne put réussir. Toute la cabale en fut étrangement étourdie, et cruellement mortifiée de cette nouvelle atteinte, qui montroit que ses attentats n’étoient point pardonnés, nonobstant le châtiment de Vendôme, qu’on ne voyoit plus qu’à Marly et à Meudon, sur un ton fort différent de ce qu’il avoit été, et qui ne servoit plus.

Le comte de Roucy, qui n’avoit pas servi depuis la bataille d’Hochstedt, et La Feuillade, noyé depuis celle de Turin, étoient fort de la cour de Monseigneur. Ils virent bientôt après cette déclaration nommer les officiers généraux pour chaque armée. Ils n’avoient pas lieu d’espérer d’être de leur nombre ; ils crurent se raccrocher en suivant Monseigneur, et toucher le roi par cette conduite. Ils en demandèrent donc la permission au roi, qui l’accorda au comte de Roucy et la refusa à La Feuillade. Ce fut un dégoût très-marqué pour lui ; mais, dans le fond, la fortune des deux fut pareille. Monseigneur n’alla point, par conséquent le comte de Roucy, qui n’a jamais servi depuis non plus que La Feuillade, mais qui n’a pas eu le temps de se faire faire maréchal de France aussi scandaleusement et aussi inutilement que lui vingt-cinq ans après.

Harcourt, qui, en Normand habile, savoit tirer sur le temps, et que le commandement d’une armée ne consoloit point du ministère, obtint du roi quatre-vingt mille livres comptant pour faire son équipage, et, dans un temps aussi pressé que celui où on étoit, bouda encore de n’en obtenir pas davantage. L’électeur de Bavière demeura oisif.

Rouillé partit les premiers jours de mars pour aller traiter secrètement la paix en Hollande ; à force de besoins on s’en flattoit. Bergheyck étoit venu quelque temps auparavant passer deux jours chez Chamillart ; il avoit vu le roi, il croyoit les Hollandois portés à la paix. On leur demanda des passeports, qu’ils accordèrent en grand secret et de fort mauvaise grâce. Je ne m’étendrai pas davantage là-dessus,