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de Dieu, à se conduire au jour le jour, puisqu’il n’y avoit pas de temps assez pour parer cette entrée, qu’il conçut pourtant fort bien être sa sortie, ou en être au moins le signal. Il m’avoua que depuis quelques jours il trouvoit le roi froid et embarrassé avec lui, à quoi jusqu’alors il m’avoua aussi qu’il avoit donné peu d’attention, mais dont alors la cause lui fut claire.

Je pris la liberté de le gronder de sa profonde ignorance de tout ce qui se passoit à la cour, et de cette charité malentendue qui tenoit ses yeux et ses oreilles de si court, et lui si renfermé dans une bouteille. Je lui rappelai ce que je lui avois dit et pronostiqué, dans les bas des jardins de Marly, sur la campagne de Mgr le duc de Bourgogne, la colère où il s’en étoit mis, et les événements si conformes à mes pronostics. Enfin, j’osai lui dire qu’il s’étoit mis en tel état avec le roi, par ne vouloir s’avantager de rien, qu’il ne tenoit plus à lui que par l’habitude de ses entrées comme un garçon bleu, mais que, puisqu’il y tenoit encore par là, il falloit du moins qu’il en tirât les avantages dans la situation pressante où il se trouvoit. Il me laissa tout dire, ne se fâcha point, rêva un peu quand j’eus fini, puis sourit et me dit avec confiance : « Eh bien ! que pensez-vous donc qu’il y eût à faire ? » C’étoit où je le voulois. Alors je lui répondis que je ne voyois qu’une chose unique à faire, laquelle étoit entre ses mains, et du succès de laquelle je répondrois bien, au moins pour lui, s’il vouloit prendre sur lui de la bien faire, si même elle n’empêchoit Harcourt d’entrer au conseil.

Alors je lui proposai d’user de la commodité de ses entrées, de prendre le roi, le lendemain matin, seul dans son cabinet, et là de lui dire qu’il étoit informé que M. d’Harcourt devoit entrer au conseil, et la façon dont il y devoit être appelé ; qu’il n’entroit point dans les raisons du roi là-dessus ; qu’il n’en craignoit que son importunité par le mépris public que M. d’Harcourt faisoit de ses ministres, qui