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sur le duc de Beauvilliers, dont le duc de Villeroy n’ignoroit pas avec toute la cour que je ne fusse comme le fils.

Je ne perdis par un instant, les moments étoient chers. Je quittai le duc et la duchesse de Villeroy le plus tôt qu’il me fut possible, sans leur rien montrer. Je gagnai ma chambré, et sur-le-champ j’envoyai un ancien valet de chambre, que tout le monde me connoissoit et qui étoit entendu, chercher M. de Beauvilliers partout où il pourroit être (et il n’alloit guère), le prier de venir sur-le-champ chez moi, et que je lui dirois ce qui m’empêchoit d’aller chez lui : c’est que je ne voulois pas y aller au sortir de chez ceux d’avec qui je sortois, et que, sans grande précaution, tout se sait dans les cours.

En moins de demi-heure M. de Beauvilliers arriva, assez inquiet de mon message. Je lui demandai s’il ne savoit rien, je le tournai, moins pour le pomper, car je n’en avois pas besoin avec lui, que pour lui faire honte de son ignorance, qui si souvent l’avoit jeté dans des panneaux et des périls, et pour le persuader mieux après de ce que je voulois qu’il fît. Quand je l’eus bien promené sur son ignorance, je lui appris ce que je venois de savoir.

Mon homme fut interdit. Il ne s’attendoit à rien moins ; je n’eus pas peine à lui faire entendre que, quand bien même son expulsion ne seroit pas résolue, l’intrusion d’Harcourt en étoit le cousin germain, et le préparatif certain, qui, appuyé de Mme de Maintenon, sans mesure et mal avec Torcy, lié au chancelier, domineroit sur les choses de la guerre, sur celles d’Espagne, et de là sur les autres affaires étrangères, et sur celles des finances avec la grâce de la nouveauté, l’audace qui lui étoit naturelle ; et le poids que lui donnoient sa naissance, ses établissements, et les emplois par lesquels il avoit passé.

Après force raisonnements il fallut venir au remède, et le temps pressoit, à vingt-quatre heures près au moins. Il n’en trouvoit qu’à attendre, à se résigner, à se tenir en la main