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de lui-même insisté plusieurs fois qu’on lui demandât l’archevêque et qu’il le feroit à l’instant.

L’éloignement du roi pour l’abbé de Polignac prévalut sur le mécontentement de l’affaire de Saint-Germain que je viens de raconter. Ne s’avisant d’aucun troisième, entre ces deux, il préféra l’archevêque de Bourges. Il le proposa à Stanislas qui l’accepta, et le pape, pressenti en conséquence, l’agréa. Dès qu’on eut réponse, non que la nomination passeroit, mais que celui dont il s’agissoit étoit agréable, on la déclara pour engager l’affaire, et Torcy fut bien aise en même temps de mettre par là son ami à l’abri des retours. L’étonnement de la cour fut extrême. On ne pouvoit comprendre par quels souterrains un homme sans nul commerce avec le nord et qui s’étoit mis mal avec le roi, il n’y avoit pas longtemps, pour s’être ménagé la nomination du roi Jacques, obtenoit celle du roi Stanislas avec le gré et la participation du roi, et Torcy y acquit beaucoup d’honneur de savoir si lestement servir ses amis et se donner un cardinal. Cette espérance, néanmoins, s’en alla en fumée avec le règne de Stanislas. Nous verrons l’archevêque lutter encore bien des années contre la fortune, et n’obtenir le prix de tant de désirs, de soins et de veilles, car il ne le perdit jamais de vue un seul instant, qu’en 1719, après en avoir tant vu passer devant lui : dès 1713, Polignac, à qui il avoit été préféré, et par le détour d’Angleterre qui lui avoit rompu aux mains seize ou dix-sept ans avant que d’arriver, et tant d’autres qui alors ne pouvoient pas seulement y penser, tel qu’un Bissy qu’il avoit si longtemps regardé, pour parler avec M. de Noyon, comme un évêque du second ordre, promu pourtant quatre ans devant lui, et tant d’autres comme Dubois, Fleury, qu’il ne regardoit pas.