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main, chose qu’il étoit étrange qu’elle pût ignorer. Marie Gonzague, mariée à Paris par procureur, en présence de toute la cour, ne l’avoit ni eue ni prétendue, et plus nouvellement, le roi Casimir, qui a passé les dernières années de sa singulière vie en France. Les rois ne l’avoient pas anciennement chez les nôtres, et les électifs n’y ont songé en aucun temps. Le dépit en fut néanmoins aussi grand que si elle eût reçu un affront. Elle rompit son voyage, se lia, avec la cour de Vienne et tous les ennemis de la France, eut grande part à la ligue d’Augsbourg contre elle, et mit tout son crédit, qui étoit grand sur le roi son mari, à lui faire épouser depuis tous les intérêts contraires à la France. Le désir extrême qu’elle eut de faire son père duc et pair l’en rapprocha depuis, mais les mécontentements essentiels qu’on avoit reçus d’elle l’en firent constamment refuser. Longtemps après, c’est-à-dire en 1694, elle obtint pour lui un collier de l’ordre que le roi son gendre lui donna à Zolkiew par commission du roi, et l’année suivante, 1695, il reçut le chapeau auquel le roi son gendre l’avoit enfin nommé au refus persévérant de ses deux petits-fils, étant veuf pour la seconde fois dès 1692, et sans enfants de ce mariage.

Il avoit quatre-vingt-deux ans quand il fut cardinal, ne prit jamais aucuns ordres, et n’eut jamais aucun bénéfice, en sorte qu’il né dit jamais de bréviaire, et qu’il s’en vantoit. Il fut gaillard et eut des demoiselles fort au-delà de cet âge, ce que la reine sa fille trouvoit fort mauvais. Per sonne n’a ignoré la conduite sordide qu’elle inspira au roi son mari dans ses dernières années, qui l’empêcha d’être regretté, et qui fut un obstacle invincible à l’élection de pas un de ses enfants, nonobstant l’amour des Polonois pour le sang de leurs rois, et leur coutume de leur donner leur couronne. Tout ce qui se passa après la mort de ce prince de sa part, et avec l’abbé de Polignac, ambassadeur de France, se trouvera dans toutes les histoires. Enfin, détestée en Pologne jusque de ses créatures et de ses propres enfants, elle emporta