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Le roi Jean III Sobieski, signalé par ses victoires sans nombre contre les Turcs et les Tartares avant et depuis son élection, couronna ses triomphes par le salut de l’Allemagne. Il vint en personne livrer bataille aux Turcs, qui assiégeoient Vienne et qu’ils étoient sur le point de prendre. Leur défaite fut complète, et Vienne sauvée avec une partie de la Hongrie, dont le héros reçut peu de gré. C’étoit en 1683 ; son énorme grosseur et la conjoncture des temps l’empêcha depuis de beaucoup faire parler de lui à la guerre. Il mourut à Varsovie le 17 juin 1696, à soixante-douze ans. Les enfants qu’il a laissés et toute cette postérité est trop connue pour en faire mention ici. J’en dirai seulement une vérité très certaine, et en même temps rien moins que vraisemblable ; c’est que si l’électeur de Bavière ne s’étoit pas trouvé par sa mère cousin issu de germain de Mme de Belle-Ile, il seroit demeuré avec ce qu’il avoit hérité de son père, et ne seroit parvenu à aucun des degrés de cette prodigieuse grandeur où il est monté tout à coup. Cette singulière anecdote sera peut-être expliquée par sa curiosité, quoiqu’elle dépasse de beaucoup le terme que je me suis proposé.

La reine de Pologne ne fut pas à beaucoup près si française que le roi son mari. Transportée de se voir une couronne sur la tête, elle eut une passion ardente de la venir montrer en son pays ; d’où elle étoit partie si petite particulière. La France avoit eu tant de part à cette élection, que ce fut en reconnoissance de l’avoir procurée que le roi de Pologne donna sa nomination au cardinal de Janson qui y étoit ambassadeur de France. Il n’y avoit donc nul obstacle à ce voyage qui fut prétexté des eaux de Bourbon. Tout annoncé, tout préparé, elle fut avertie que la reine ne lui donneroit point la