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Neuchâtel, se vit contraint de revenir plus honteusement que la dernière fois, et bientôt après fut suivi des deux autres prétendants. Mme de Mailly, qui se donnoit toujours pour telle, fit si bien les hauts cris à la nouvelle de cette intrusion, qu’à la fin la considération de son alliance avec Mme de Maintenon réveilla nos ministres. Ils l’écoutèrent. Ils trouvèrent après elle qu’il étoit de la réputation du roi de ne pas laisser enlever ce morceau à ses sujets, et qu’il y avoit du danger de le laisser entre les mains d’un aussi puissant prince protestant, en état de faire une place d’armes en lieu si voisin de la comté de Bourgogne, et dans une frontière aussi peu couverte. Là-dessus, le roi fit dépêcher un courrier à Puysieux, avec ordre à lui d’aller à Neuchâtel, et y employer tout, même jusqu’aux menaces, pour exclure l’électeur, laissant d’ailleurs la liberté du choix parmi ses sujets à l’égard desquels, pourvu que c’en fût un, la neutralité demeuroit entière. C’étoit s’en aviser trop tard. L’affaire en étoit faite, les cantons engagés sans moyens de se dédire, et de plus piqués d’honneur par le ministre électoral, sur les menaces de Puysieux, au mémoire duquel les ministres d’Angleterre et de Hollande, qui étoient là firent imprimer une réponse fort violente. Le jugement provisionnel ne reçut aucune atteinte ; on en eut la honte, on en témoigna du ressentiment pendant six semaines, après quoi, faute de mieux pouvoir, on s’apaisa de soi-même. On peut juger quelle espérance il resta aux prétendants de revenir, à la paix, de ce jugement provisionnel, et de lutter avec succès contre un prince aussi puissant et aussi solidement appuyé. Aussi n’en fut-il pas mention depuis, et Neuchâtel est pleinement et paisiblement demeuré à ce prince, qui fut même expressément confirmé dans sa possession par la paix de la part de la France. Le roi, ni Monseigneur, ni par conséquent la cour, ne prirent point le deuil de Mme de Nemours, quoique fille d’une princesse du sang ; mais Monseigneur et Mme la duchesse