Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/69

Cette page n’a pas encore été corrigée

même protestants, et celui de l’empereur, cèdent partout sans difficulté, disputer rien en lieu tiers à un prince du sang, ni l’ambassadeur de l’empereur non plus, qui a la préséance partout sur ceux de tous les rois, dont aucun ne la lui conteste. L’électeur de Brandebourg tiroit sa prétention de la maison de Châlons. Elle étoit encore plus éloignée, plus enchevêtrée, s’il étoit possible, que celle de Mme de Mailly ; aussi ne s’en avantagea-t-il que comme d’un prétexte. Je l’ai déjà dit, ces sortes de procès ne se décident ni par droit ni par justice.

Ses raisons étoient sa religion conforme à celle du pays ; l’appui des cantons protestants voisins, alliés, protecteurs de Neuchâtel ; la pressante réflexion que, la principauté d’Orange étant tombée, par la mort du roi Guillaume III, au même prince de Conti, le roi lui en avoit donné récompense et se l’étoit appropriée, ce que le voisinage de la France lui donneroit la facilité de faire pour Neuchâtel, s’il tomboit à un de ses sujets, qui, dans d’autres temps et dans un état fort différent de celui où la maison de Longueville l’avoit possédé, ne se trouveroit pas en situation de refuser le roi de l’en accommoder ; enfin un traité produit en bonne forme, par lequel, le cas avenant de la mort de Mme de Nemours, l’Angleterre et la Hollande s’engageoient à se déclarer pour lui, et à l’assister à vives forces pour lui procurer ce petit État. Ce ministre de Brandebourg étoit de concert avec les cantons protestants, qui, sur sa déclaration, prirent aussitôt l’affirmative, et qui, par l’argent répandu, la conformité de religion, la puissante de l’électeur, la réflexion de ce qui étoit arrivé à Orange, trouvèrent presque tous les suffrages favorables. Ainsi, à la chaude, ils firent rendre par ceux de Neuchâtel un jugement provisionnel qui adjugea leur État à l’électeur jusqu’à la paix, en conséquence duquel son ministre fut mis en possession actuelle ; et M. le prince de Conti, qui, depuis la prétention de ce ministre sur le rang, n’avoit pas cru convenable faire des tours de Pontarlier à