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par l’aînesse. Son droit contre Matignon ne paraissoit pas douteux. Les fiefs de dignités et tous les grands fiefs ont toujours suivi l’aînesse ; la loi et la pratique s’y sont toujours accordées ; à plus forte raison un fief indépendant, étendu et considéré comme souverain. Mais de pareils procès ne se décident guère par les règles, et Matignon avoit beau jeu, Chamillart, comme je l’ai remarqué (t. IV, p. 192), étoit son ami intime, et il étoit devenu ennemi déclaré du maréchal de Villeroy, à l’occasion de la bataille de Ramillies, comme je l’ai raconté en son lieu. Par cette même occasion, comme on l’a vu là même, ce maréchal étoit tombé dans l’entière disgrâce du roi. Restoit le prince de Conti qu’il n’aimoit point, et à qui il n’avoit jamais pu pardonner sincèrement son voyage de Hongrie, et peut-être encore moins son mérite et sa réputation. Chamillart, dans le fort de sa faveur, n’eut donc pas de peine d’obtenir du roi de se déclarer neutre. Ce ministre, sûr de ce côté-là à l’égard d’un prince du sang, ne balança pas à se déclarer ouvertement pour Matignon. Il le combla d’argent et de tout ce que son crédit lui put donner. Puysieux, ambassadeur en Suisse, étoit frère de Sillery, écuyer depuis longues années du prince de Conti, auquel ils étoient tous extrêmement attachés. Quelque désir qu’il eût de le servir dans cette affaire, la neutralité déclarée du roi lui en ôta tous les moyens par son caractère ; et l’autorité et la vigilance de Chamillart tous ceux qui lui pouvoient rester, comme particulier qui s’étoit fait des amis dans le pays. La veuve de ce bâtard du dernier comte de Soissons y étoit comme les autres, et, fondée par la donation de Mme de Nemours, elle et son mari avoient dès leur mariage pris le nom de prince et de princesse de Neuchâtel. Lors de l’arrêt du parlement de Paris qui jugea le testament de M. de Longueville bon au profit du prince de Conti, et qu’il alla à Neuchâtel en conséquence, et les autres héritiers pour le lui disputer, il avoit essuyé un préjugé fâcheux. Mme de Nemours, qui y étoit aussi allée, y fut reçue et reconnue