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moments. Il y envoya Saintrailles, que M. le Duc lui prêta, et qui étoit un homme d’esprit sage et capable, mais qui, pour avoir été gâté par la bonne compagnie et par ces princes, étoit devenu très suffisant et passablement impertinent, d’ailleurs un très simple gentilhomme, et rien moins que Poton, dont étoit le fameux Saintrailles, dont les actions ont rendu ce nom célèbre dans nos histoires. La vieille Mailly, belle-mère de la dame d’atours de Mme la duchesse de Bourgogne, s’étoit mise sur les rangs pour la succession à la principauté d’Orange, sur une alliance tirée par les cheveux de la maison de Châlons, moins dans l’espérance d’un droit aussi chimérique, que pour faire valoir le marquis de Nesle, son petit-fils, par des prétentions si hautes. La même raison la fit se présenter avec aussi peu de fondement pour Neuchâtel. Elle se flattoit qu’avec la protection de Mme de Maintenon, elle en pourroit tirer d’autres partis plus solides. Mme de Maintenon n’y prit pas la moindre part, et on se moqua à Paris comme en Suisse de ses chimères. Celle de M. le prince de Conti étoit fondée sur le testament du dernier duc de Longueville, mort enfermé, qui l’avoit appelé à tous ses biens, après le comte de Saint-Paul, son frère, et sa postérité. Il avoit gagné ce procès contre Mme de Nemours. Restoit à voir si une souveraineté se pouvoit donner comme d’autres biens, et si MM. de Neuchâtel défèreroient à un arrêt du parlement de Paris. Outre qu’ils n’étoient pas soumis à aucune juridiction du royaume, les héritiers prétendoient que Neuchâtel, par la qualité souveraine, ou plutôt indépendante de ce petit État, ne pouvoit se donner ni être ôtée aux héritiers du sang, et cela est vrai en France des duchés. Restoit donc à voir à qui il devoit appartenir, de Matignon ou de la duchesse douairière de Lesdiguières, pour laquelle le duc de Villeroy étoit allé comme son héritier par sa mère.

Matignon se prétendoit préférable par la proximité du sang, parce qu’il avoit un degré sur la duchesse, et celle-ci