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éloignées de pouvoir succéder à Mme de Maintenon, quand le roi, par sa mort, deviendroit libre. Ses enfants s’en flattoient, excepté M. du Maine, qui n’y auroit pas gagné. La cour intérieure regardoit les événements les plus étranges comme si peu impossibles, qu’on a cru que cette pensée n’avoit pas peu contribué à l’empressement des Noailles pour le mariage d’une de leurs filles avec le fils aîné de d’Antin. Ils s’étoffent fort accrochés à Mlle Choin ; ils cultivoient soigneusement Mme la Duchesse ; et pour ne laisser Monseigneur libre d’eux par aucun côté, ils s’étoient saisis de Mme la princesse de Conti en donnant une de leurs filles à La Vallière, qui étoit son cousin germain, et qui pouvoit tout sur elle. Liés comme ils étoient à Mme de Maintenon par le mariage de leur fils avec sa nièce, qui lui tenoit lieu de fille, il sembloit que l’alliance de Mme de Montespan ne dût pas leur convenir par la jalousie et la haine extrême que lui portoit Mme de Maintenon, et qui se marquoit en tout avec une suite qu’elle n’eut jamais pour aucun autre objet. Une considération si forte et si délicate ne put les retenir ni les empêcher de profiter de cette alliance pour faire leur cour à Mme de Montespan comme à quelqu’un dont ils attendoient.

La maréchale de Cœuvres n’avoit point d’enfants. Ils prirent l’occasion de ce voyage de Bourbon pour lui donner leur fille à y mener comme la sienne, c’est-à-dire allant avec elle, et n’ayant de maison, de table ni d’équipage que ceux de Mme de Montespan. Elle fit sa cour aux personnes de la compagnie, toutes subalternes qu’elles fussent ; et pour Mme de Montespan, elle lui rendit beaucoup plus de respects qu’à Mme la duchesse de Bourgogne, ni à Mme de Maintenon. Elle ne fut occupée que d’elle, de lui plaire, de la gagner, et de gagner toutes celles de sa maison. Mme de Montespan la traitoit en reine, s’en amusoit comme d’une poupée, la renvoyoit quand elle l’importunoit, et lui parloit extrêmement françois. La maréchale