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avis du malheur qu’on prétend qui est arrivé aux galions donnent ici beaucoup d’inquiétude. La juste crainte qu’on a eue que ces avis ne se vérifient est fortifiée par tout ce qu’écrit M. Ducasse du mauvais état des galions. Ce qui rassure un peu est ce que dit le chevalier de Layet, qui a été envoyé ici par M. Ducasse, en arrivant au Port-du-Passage. Il prétend qu’avant de partir de la Havane, on a eu des lettres du général des galions du 15 et du 20 juin, et que, suivant les nouvelles de Londres et de Hollande, l’affaire doit s’être passée le 9 du même mois (nouv. st.) ; ce qui détruiroit absolument la possibilité de cet événement par les dates. La perte des galions dans les conjonctures présentes seroit une chose si terrible qu’on retardera tant qu’on pourra d’y ajouter foi sans une pleine confirmation. »

Le 17 septembre, le même ambassadeur paraissoit plus rassuré dans la lettre qu’il adressoit à Louis XIV [1] : « L’inquiétude, Sire, qu’on avoit, il y a huit jours, pour les galions, a été diminuée par des avis de Carthagène des Indes [2], du 28 juin, qui marquent qu’on y attend les galions, sans parler de combat ni de rien d’approchant. Il est venu aussi des lettres écrites de la rade de Saint-Domingue, du 7 et du 8 juillet, par des officiers embarqués sur la flottille qui s’étoit arrêtée en cet endroit. Ces lettres disent qu’il n’y avoit aucune nouveauté en ces mers-là, et que jusqu’alors le voyage de la flottille avoit été très heureux. J’ai deux lettres de ces deux dates, et dans ce sens, l’une d’un Espagnol et l’autre d’un François. Cela donne lieu de croire que, si l’aventure des galions étoit arrivée le 9 juin, comme les nouvelles de Hollande et d’Angleterre le publient, on en auroit su quelque chose un mois après à Saint-Domingue et à Puerto Rico, où la flottille avoit mouillé dans les premiers jours de juillet pour faire de l’eau. »

Enfin le roi d’Espagne, Philippe V, écrivit une lettre autographe au duc d’Orléans qui l’avoit félicité de l’arrivée des galions [3] : « Je vous remercie du compliment que vous me faites sur l’arrivée de la flotte de la Nouvelle-Espagne ; c’est un secours qui nous est venu fort à propos, et dont vous connoîtrez toute l’importance. J’ai écrit au roi mon grand-père pour savoir son sentiment sur les projets que vous m’avez communiqués pour la campagne prochaine, et je lui ai mandé que, s’il y avoit quelque apparence à pouvoir chasser entièrement l’archiduc de la Catalogne, je ne balancerois pas à croire qu’il faudroit faire tous nos efforts pour cela et laisser nos plus grandes forces de ce côté-là ; mais que, cela étant comme impossible

  1. Bibl. imp. du Louvre, ibid., fol. 141 et suiv.
  2. Indes occidentales ou Amérique.
  3. Lettre du 19 septembre 1708, papiers du duc de Noailles, ibid., fol. 142 ; copie du temps.