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Mlle Marianne[1], parce qu’elle les faisoit jouer tous les jours. Ils vinrent hier chez la reine, comme elle entroit au cercle. Elle leur fit diverses questions à ce propos et les engagea à dire qu’il n’y avoit jamais eu que Mlle Marianne qui les eût vus jouer, et que les demoiselles ses sœurs n’avoient jamais vu la comédie. Je regardai le roi, qui fit assurément là-dessus les mêmes réflexions que Votre Éminence fait dans ce moment.

« M. le duc de Noirmoutiers est ici préparé à donner l’estocade à Votre Éminence pour la survivance du Mont-Olympe. Il a envoyé M. son fils à Bayonne, pour faire le voyage de Madrid avec M. le maréchal de Grammont. Il est fort alerte sur la nature de l’accommodement de M. le Prince, un chacun étant appliqué à voir s’il est fait de manière qu’il puisse établir entre vous de la confiance et de l’amitié, et Votre Éminence sait que ces messieurs-là (j’entends ses amis) ont plus d’intérêt que les autres gens à ces affaires-là par la manière dont ils sont restés avec M. le Prince.

« Je l’ai étonné ce matin, au pied du lit du roi (car j’ai vu qu’il n’en savoit rien), quand je lui ai dit que j’étois assuré que Caillet, par ordre de M. le Prince, avoit été trouver Votre Éminence trois fois pour vous dire qu’il mettoit aux pieds du roi toutes les grâces que les Espagnols lui vouloient faire, et qu’il n’en prétendoit que de la bonté de Sa Majesté.

« Voilà, Monseigneur, l’état de ce parti. Le marquis de Villeroy a toujours la dysenterie avec un peu de fièvre ; on n’en a point mauvaise opinion ; mais M. Félix[2] m’a dit ce matin que ce qui ne seroit point dangereux en un autre l’étoit dans ce corps-là. »


III. jarzé ; son aventure avec la reine anne d’autriche.


Page 208.


Saint-Simon renvoie (p. 208 de ce volume) pour les aventures de Jarzé aux Mémoires de Mme de Motteville, qui donne en effet des détails très précis sur la folle passion qu’affecta ce personnage pour Anne d’Autriche et sur les conséquences qu’elle eut ; mais ce que Mme de Motteville ne savoit pas, et ce que nous apprennent les

  1. Marie-Anne Mancini, dernière nièce du cardinal Mazarin ; elle épousa plus tard le duc de Bouillon.
  2. Premier chirurgien du roi.