Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/455

Cette page n’a pas encore été corrigée

Éminence. Ainsi, Monseigneur, j’en demeurerai là présentement, et n’ajouterai plus rien à celte présente importunité que les protestations les plus fidèles du monde que je lui fais de vivre et de mourir,

« Monseigneur,

« De Votre Éminence,

« Le très humble, très obéissant, très fidèle

« et très obligé serviteur,

« Bartet »

Bartet ne tarda pas à connoître l’auteur véritable de cet attentat, comme le prouve la lettre qu’il écrivoit à Mazarin le 1er juillet 1655 [1]  :

« Monseigneur,

« Il m’est arrivé un bien plus grand malheur que celui dont je rendis compte à Votre Éminence, avant-hier, par mon frère, puisque c’est M. de Candale qui dit avoir commandé l’assassinat que je croyois avoir été fait en moi par ce conseiller de ma province avec qui j’ai une querelle de famille. Il faut bien, Monseigneur, que mes ennemis l’aient emporté sur son esprit d’un artifice bien terrible, et qu’ils l’aient circonvenu bien cruellement pour moi, puisqu’ils lui ont persuadé divers discours qu’ils m’attribuent avec une si injuste précipitation, qu’ils ne lui ont pas seulement laissé le temps de les examiner, de les vérifier et de les tenir pour établis dans le monde. Ç’a donc été par ses propres domestiques et par d’autres gens de mon pays que je fus assassiné avant-hier, en la manière que j’ai pris la liberté de l’écrire à Votre Éminence.

« Dans la première interprétation de mes assassins et de mon assassinat, je ne demandois point à Votre Éminence une protection particulière, parce que la qualité de l’action même, celle de mon ennemi prétendu, et la justice ordinaire, m’en donnoient une assez puissante ; mais aujourd’hui qu’un homme de la puissance, pour ainsi dire, et de la qualité de M. de Candale, se vante publiquement de m’avoir fait assassiner, je n’ai presque point de protection à espérer après celle des lois, si le roi ne m’en donne une particulière par la faveur de Votre Éminence, par laquelle Sa Majesté laisse faire la justice ordinaire de sou royaume, et comme son sujet, et comme ayant l’honneur d’être son domestique, et encore résident à sa cour d’un roi étranger, qui me couvre du droit des gens, si inviolable en toutes les cours du monde.

« M. de Caudale se plaint de trois choses présentement, dont il ne m’a jamais fait faire de plaintes par aucun homme du monde. La

  1. Archiv. des aff. étrangères ; France, t. CLIV, pièce 107 autographe.