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M. le Grand et du feu chevalier de Lorraine, qui n’avoit ni leur dignité, ni leur maintien, ni rien de l’esprit du chevalier, qui, non plus que le grand écuyer, n’en faisoit aucun cas. C’étoit un extrêmement petit homme, trapu, qui n’avoit que de la valeur, du monde, beaucoup de politesse et du jargon de femmes, aux dépens desquelles il vécut tant qu’il put. Ce qu’il tira de la maréchale d’Aumont est incroyable. Elle voulut l’épouser et lui donner tout son bien en le dénaturant. Son fils la fit mettre dans un couvent, par ordre du roi, et bien garder. De rage, elle enterra beaucoup d’argent qu’elle avoit en lieu où elle dit qu’on ne le trouveroit pas, et, en effet, quelques recherches que le duc d’Aumont ait pu faire, il ne l’a jamais pu trouver. M. de Marsan étoit l’homme de la cour le plus bassement prostitué à la faveur et aux places, ministres, maîtresses, valets, et le plus lâchement avide à tirer de l’argent à toutes mains. Il avoit eu tout le bien de la marquise d’Albret, héritière, qui le lui avoit donné en l’épousant, et avec laquelle il avoit fort mal vécu. Il en tira aussi beaucoup de Mme de Seignelay, sœur des Matignon, qu’il épousa ensuite ; et quoique deux fois veuf, et de deux veuves, il conserva toujours une pension de dix mille francs sur Cahors, que l’évêque La Luzerne lui disputa, et que M. de Marsan gagna contre lui au grand conseil. Il tira infiniment des gens d’affaires, et tant qu’il put des contrôleurs généraux. Ce riche Thévenin, dont j’ai parlé à l’occasion du legs qu’il fit au chancelier de Pontchartrain, qu’il refusa, Marsan le servit dans sa maladie, qui fut longue, comme un de ses valets, et fut la dupe de cette infamie qui ne lui valut rien. [A l’égard de] Bourvalois, autre fameux financier, auprès duquel il fut plus heureux, il disoit qu’il étoit le soutien de l’État, dont quelqu’un impatienté lui répondit qu’il l’étoit en effet, comme la corde l’est des pendus. Lui surtout et Matignon, son beau-frère, tirèrent des trésors des affaires qui se firent du temps de Chamillart, à tous les environs duquel il faisoit une cour