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les plus grands applaudissements. Par sa lettre, il pressa fort le roi de faire payer l’argent qu’il avoit été obligé d’emprunter des bourgeois pour les travaux et pour faire subsister la garnison. Il comptoit d’avoir six mille hommes y compris quelques dragons dans la citadelle. Il offrit à tous les soldats qui y étoient destinés de donner congé à ceux qui n’y voudroient pas entrer. Pas un seul ne l’accepta. Comme il y entra le dernier pour achever de donner quelques ordres, pendant quelques heures, elles parurent si longues aux soldats que l’inquiétude leur en prit, et si fort qu’elle alla jusqu’au murmure. Dès qu’il parut leur joie éclata en louanges les plus flatteuses, et tous promirent de faire des merveilles sous un chef qui leur en montroit si bien l’exemple et qui prenoit tant de soin d’eux. Ce fut donc le 26 octobre au soir qu’ils furent tous renfermés dans la citadelle, qui étoit un vendredi.

Le jeudi, veille de ce jour, M. de Vendôme fit attaquer Leffinghem l’épée à la main. Puyguyon avoit là un camp qui l’assiégeoit sous ses ordres depuis trop de temps pour un poste comme celui-là, que les ennemis avoient accommodé, et où ils avoient mis quinze cents hommes avec un colonel anglois. Ils venoient de débarquer quatorze bataillons sur les dunes près de Leffinghem pour le secourir. Forbin et le chevalier de Langeron les en empêchèrent avec les troupes qu’ils avoient à Nieuport, sur les vaisseaux et sur les galères, à qui ils firent mettre pied à terre. La présence de ce secours imminent et la prise de Lille excitèrent M. de Vendôme à emporter enfin ce poste. Il le fut en effet, et si aisément qu’il n’en coûta pas une douzaine de soldats. On leur en tua une centaine, et on eut tous les autres prisonniers, presque tous Anglois. Le pauvre comte de La Mothe, qui étoit venu se promener au camp de Puyguyon, se trouva à l’action. Vendôme, à son ordinaire, en fit un trophée. Il envoya le chevalier de Roye en porter la nouvelle au roi, qui, infatigablement le même pour Vendôme, le régala d’un