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Tandis que le roi reprenoit un peu haleine, ses généraux s’occupoient toujours des moyens de secourir Lille. Vendôme, fécond en projets spécieux et hardis, vouloit faire un grand tour pour prendre Marlborough par ses derrières, tantôt le tromper par de fausses marches, l’engager à dégarnir ses retranchements, et revenir tout court sur soi les attaquer. Mais lent en effet à toute exécution facile, comme on ne l’avoit que trop éprouvé, pouvoit-on se flatter de tromper des chefs si attentifs et si actifs, et de quelques succès par de longs détours qui marqueroient le projet assez tôt à des ennemis bien postés et qui, pour ainsi dire, n’auroient qu’à se retourner dans leur cerceau pour faire à temps face partout et opposer les mêmes obstacles ? Berwick et tout ce qu’il y avoit là de meilleur parmi les principaux officiers généraux s’opposèrent à ces entreprises vaines et ruineuses. Ce maréchal, si légèrement réconcilié avec le duc de Vendôme, avoit déjà recommencé à déplaire à un homme qui n’étoit pas plus sincèrement revenu à lui. On commença aussi à s’apercevoir que si, après avoir tant perdu de temps précieux à s’ébranler et à arriver, au lieu de s’enivrer de l’espérance d’une bataille, on eût tourné toutes ses pensées à jeter des secours dans Lille durant qu’on le pouvoit, comme je l’ai remarqué, à donner à la place les moyens de durer, à fatiguer cependant les ennemis, à les jeter dans la nécessité des convois, et à leur en ôter les moyens par les postes qu’on pouvoit prendre, on seroit venu à bout de leur arracher cette conquête et de les précipiter, de plus, dans des embarras les plus fâcheux pour leur retraite. Ce fut donc à cette ressource, mais trop tard, qu’on se résolut de s’attacher désormais, et l’armée fit les mouvements et les détachements nécessaires pour y réussir.

Parmi des événements si intéressants, il en arriva un à la cour qui le fut fort peu, mais qui toucha fort le roi. M. du Maine perdit son troisième fils, qui avoit quatre ans et demi.