Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/39

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Après ce qui s’étoit passé, nous ne crûmes pas devoir rien rendre davantage à l’un ni à l’autre, et nous cessâmes de les voir l’un et l’autre, même aux occasions marquées. Mme la Duchesse, qui s’en aperçut bientôt, se plaignit modestement. Elle dit qu’elle ne savoit ce qu’elle nous avoit fait ; qu’il étoit vrai qu’elle avoit été pour Mme de Lussan, que cela étoit libre, qu’elle n’avoit rien dit là-dessus qui pût nous faire peine ; que d’ailleurs Mme de Lussan étoit à Mme la Princesse, et qu’elle lui avoit des obligations qu’elle n’oublieroit jamais. Je ne sais pas de quelle nature elles pouvoient être, ni si elles faisoient beaucoup d’honneur à l’une et à l’autre. Ces plaintes se firent en sorte qu’elles nous revinssent. Mme la Duchesse y ajouta toutes les prévenances possibles à Marly à Mme de Saint-Simon, qui les reçut avec un froid respectueux, des réponses courtes, sans jamais lui parler la première ni s’approcher d’elle, sinon à la table du roi, quand elle s’y trouvoit placée auprès d’elle. Elle redoubla ses plaintes à Fontainebleau, sur ce qu’étant entré chez Mme de Blansac, qui étoit malade, j’en sortis aussitôt ; et fit indirectement tout ce qu’elle put pour raccommoder les choses. Ce n’étoit pas qu’elle se souciât de nous, mais ces princesses voudroient dire et faire sur chacun tout ce qui leur plaît, et leur orgueil est blessé quand on cesse de les voir. Pour M. le Duc, qui a toujours mené une vie particulière, jusqu’à l’obscurité, et qu’une férocité naturelle, que son rang appesantissoit encore, renfermoit dans un très petit nombre de gens assez étranges pour la plupart, je n’en reçus ni malhonnêtetés ni agaceries ; il me salua seulement lorsqu’il me rencontra depuis d’une façon plus marquée et plus polie. À l’égard de M. le prince de Conti que je voyois, il ne fallut aucune précaution avec lui. Il connoissoit la pèlerine et ne se contraignit pas d’en dire son avis. Je le répète, on trouvera dans la suite qu’il étoit nécessaire d’expliquer toute cette espèce de démêlé.