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Le détail de ce qui se passa jusqu’à la jonction seroit ici inutile. Il suffit de dire que Mgr le duc de Bourgogne arriva avec son armée le mardi 28 août à Ninove sur le minuit. Le lendemain jeudi 29, le duc de Berwick le vint saluer sur les neuf heures du matin. Il étoit accompagné d’un très petit nombre de gens principaux de son armée qu’il avoit laissée à Garrfarache, et qui joignit le 30 la grande, armée dans sa marche à Lessines.

Berwick, avec ses dignités et son bâton de maréchal de France, orné des lauriers d’Almanza, et plus que tout cela aux yeux du roi, bâtard encore plus que Vendôme puisqu’il l’étoit lui-même, passa comme ses confrères sous les Fourches claudiennes [1] le jour même de la jonction de son armée, pour laquelle il prit l’ordre du duc de Vendôme avec une indignation dont il ne se cacha pas. Il ne mit pas le pied chez M. de Vendôme ; il déclara publiquement qu’il remettoit son armée à Mgr le duc de Bourgogne, pour être incorporée dans la sienne par un nouvel ordre de bataille et de campement ; qu’il n’avoit plus rien à y faire, qu’il ne prétendoit à aucun commandement, ni à aucune fonction, et qu’il ne se mêleroit de quoi que ce soit, sinon de se tenir auprès de la personne de Mgr le duc de Bourgogne.

Razilly s’en étoit allé pour ne plus revenir à cause de la mort de sa femme, et d’O avoit été mis en sa place auprès de M. le duc de Berry. Le maréchal de Matignon étoit allé malade à Tournai, avec un passeport des ennemis. Il y fut assez mal, et de là, sous prétexte de sa santé, gagna Paris d’où il eût mieux fait de n’avoir bougé. Berwick avoit proposé cet expédient pour s’épargner le calice de prendre l’ordre. Il fut accepté pour le lui éviter chaque jour, mais le roi se roidit à le lui faire avaler une fois en arrivant, pour

  1. Saint-Simon veut parler des Fourches caudines, si connues par le désastre des Romains.