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des représentations et des délais, qui lui en attirèrent un second avec les mêmes ordres encore plus pressants. Personne dans l’armée n’en comprenoit l’inaction. Mgr le duc de Bourgogne pressoit et faisoit d’autant plus presser M. de Vendôme par ce peu de gens d’assez de poids pour l’oser faire, que ce prince se souvenoit des propos d’Audenarde et de ceux qu’avoit réveillés l’opposition qu’il avoit montrée à attaquer le grand convoi du prince Eugène. Les efforts furent vains au premier courrier. Ils ne réussirent pas mieux au second, par le retour duquel Mgr le duc de Bourgogne ne laissa pas ignorer au roi qu’il ne tenoit pas à lui ni aux généraux qu’il ne fût obéi. Vendôme demeuroit ferme en ses remises et ne vouloit point s’ébranler.

À cette dernière désobéissance le roi se fâcha autant qu’il put se fâcher contré M. de Vendôme, et dépêcha un troisième courrier avec le même ordre à ce duc et un autre ordre particulier à son petit-fils de marcher avec l’armée, malgré M. de Vendôme, s’il continuoit à vouloir différer. Alors il n’y eut plus moyen de s’en défendre, mais [il marcha] avec lenteur, sous prétexte de rassembler ce qui étoit séparé et de faire les dispositions nécessaires. Plus de prévoyance, ou plutôt de volonté, eût prévenu ce dernier délai dans un temps où [on] en avoit perdu un si précieux, et où tous les instants n’en étoient que plus chers. Lorsqu’il fallut se déterminer sur le choix de la route à prendre pour joindre le duc de Berwick qui avoit reçu les ordres pour s’avancer de son côté, M de Vendôme maître absolu, ou complaisant sans réplique, comme il lui convenoit pour ses vues, et comme il l’avoit bien montré à Audenarde, sur l’attaque du convoi, et en dernier lieu pour se mettre en marche de Lawendeghem, ne voulut admettre aucun raisonnement ; il décida avec autorité pour le chemin de Tournai, et dit en même temps que, lorsqu’on s’approcheroit de Lille, il permettroit les délibérations, parce que les divers partis qu’on pourroit prendre le mériteroient bien.