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la grande armée, occupé au même secours, et le roi fort touché de ces ravages si proches dont il n’avoit pas ouï parler depuis sa minorité. Le contrecoup de la mauvaise humeur en retomba naturellement sur l’affaire d’Audenarde.

Mme de Maintenon, piquée au vif d’avoir vu son crédit faiblir sous celui de Vendôme, tira sur le temps, hasarda de le faire rappeler, et de lui substituer le prince de Conti qui s’étoit toujours déclaré pour Mgr le duc de Bourgogne dans tout ce qui s’étoit passé en Flandre, dont la naissance et la réputation imposeroit et calmeroit tout. La ligue d’Italie le demandoit pour chef, pour ôter toute dispute entre les divers généraux par la supériorité de son rang, et donner par son nom plus de poids aux affaires. Le roi fut fort en balance. Le maréchal d’Estrées, qui vouloit toujours figurer, poussé de plus par son frère, qui soupiroit ardemment après un chapeau, se proposoit pour l’ambassade de Rome comme un homme également propre aux négociations et au commandement des troupes. Je sus par Caillières, à qui Torcy l’avoit dit, que j’étois aussi sur les rangs. Cet avis m’engagea à renouveler les raisons que j’avois eues d’éviter cette ambassade la première fois que j’y avois été destiné, mais dont je ne fus délivré que par la promotion du cardinal de La Trémoille. J’en parlai fortement au duc de Beauvilliers, au chancelier, à Chamillart. J’y ajoutai les raisons du commandement des troupes que je leur fis valoir en faveur du maréchal d’Estrées, parce que peu m’importoit qui allât à Rome pourvu que ce ne fût pas moi, et je fis dire les mêmes choses à Torcy par Caillières. Peu de jours après ces mesures, j’appris par ce dernier qu’on avoit changé de dessein sur un ambassadeur que le pape ne seroit pas en puissance de protéger dans Rome, même contre les insultes de l’empereur, et celles que le cardinal Grimani, qui étoit par intérim vice-roi de Naples, lui voudroit faire faire, et qui commettroient trop la dignité du roi.