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plaintes ; elle se trouvoit d’autant mieux placée que sa conduite avoit été sans reproche, et que M. le duc d’Orléans étoit frère de Mme sa mère. Mme la duchesse d’Orléans en avoit des raisons plus pressantes isolée au milieu de la cour ; épouse par force d’un prince si au-dessus d’elle qui se piquoit d’indifférence pour elle, et d’être toujours amoureux ailleurs avec éclat, chargée de trois filles dont l’aînée commençoit à peser par son âge, auxquelles sa naissance fermoit tout établissement en Allemagne, tout la pressoit de faire l’impossible pour la marier à M. le duc de Berry, et c’est à quoi l’amitié de Mme la duchesse de Bourgogne la pouvoit conduire. Mme la Duchesse, qui se trouvoit dans le même cas, et qui possédoit Monseigneur, osoit aussi lever les yeux jusqu’à cette alliance ; elle ne pouvoit se dissimuler que la situation où elle se trouvoit avec Mme la duchesse de Bourgogne ne l’en approchoit pas. Ce qui acheva de la piquer fut le personnage qu’elle lui vit soutenir sur le combat d’Audenarde. Toute la cour jusque-là peu attentive à une jeune princesse dont toutes les faveurs ne pouvoient consister qu’à donner quelques légers agréments, entrevit d’abord de quoi elle étoit capable, et quelque temps après par la suite et le succès de sa conduite, comprit qu’elle pourroit bien vouloir et se mettre en état de devenir la maîtresse roue de la machine de la cour et peut-être encore de l’État. Ce fut le poignard qui perça le sein de Mme la Duchesse. Dès lors sa politique changea à l’égard de Mme la duchesse de Bourgogne. Ce ne fut plus des soins et des empressements, mais une indifférence insolemment marquée. Elle espéra lui donner de la crainte du côté de Monseigneur, et l’amener ainsi à ce que, ses avances n’avoient pu en obtenir. Elle ne s’en tint pas là : elle hasarda de se moquer d’elle, d’en parler licencieusement, de mêler des menaces sur Monseigneur, et cela devant des personnes qu’elle savoit liées avec d’autres par qui ces propos pourroient être rendus à Mme la duchesse de Bourgogne et lui faire peur. Elle les sut,