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la bouche ni pour ni contre ; ils éclatèrent en propos. Mme la Duchesse même les voulut entamer par deux fois les soirs dans le cabinet du roi, et toutes les deux fois elle fut arrêtée tout court par Mme la duchesse d’Orléans qui prit mon parti sans que je l’eusse fait prévenir. Une autre fois, et au même lieu, elle attaqua là-dessus M. du Maine, duquel elle n’eut pas lieu d’être contente, quoique alors en intimité ; et en effet, lui et Mme du Maine imitèrent le silence de M. le Prince. Cette fougue m’engagea à prendre des mesures auprès des gens de mes amis à portée de faire instruire le roi et Mme de Maintenon, et Monseigneur avec qui Mme la Duchesse étoit parfaitement.

L’affaire, en attendant, cheminoit au conseil. Mme de Lussan voulut répondre vivement, sinon solidement, à mon mémoire. M. le Prince, sans que je le susse, le lui défendit, et de plus lui lava cruellement la tête. Elle se réduisit donc à faire courir quelques lignes écrites à la main qui, sans entrer dans l’affaire ni dans aucun fait, exprimoient en termes respectueux, mais artificieux, la surprise et la douleur de se voir si cruellement déchirée par un homme de mon mérite et avec si peu de mesure, dans un temps (c’étoit celui de Pâques) que j’avois accoutumé de consacrer tous les ans dans la plus sainte maison de France. Elle vouloit dire la Trappe, dont je me cachois fort, et où je passois d’ordinaire les jours saints, sous prétexte d’aller à la Ferté pendant la quinzaine de Pâques, qui est un temps fort ordinaire d’aller à la campagne.

J’eus lieu de soupçonner que M. le Duc n’avoit pas dédaigné de travailler à ce peu de lignes, et que c’étoit de lui que partoit ce ridicule qu’on essayoit de m’y donner. Je pris donc le parti de le mépriser. Je me contentai de dire qu’une vaine déclamation, qui n’osoit entrer en rien, n’étoit pas une réponse à un mémoire où la conduite de Mme de Lussan, et beaucoup plus les discours des personnes dont elle avoit surpris la protection, m’avoit obligé d’expliquer