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qu’en prouvant ses artifices et ses friponneries, et les mettant au net et au jour ; j’ajoutai que M. et Mme de Lussan ayant l’honneur d’être à lui et à Mme la Princesse, je ne le voulois pas publier sans lui en demander la permission. M. le Prince glissa sur Mme de Lussan, me répondit qu’il étoit très fâché qu’elle se fût attiré une si vive repartie ; que, si l’affaire étoit de nature à pouvoir s’accommoder, il s’y offriroit à moi ; que, voyant la chose impossible, j’étois le maître de publier mon mémoire, et qu’il m’étoit fort obligé de l’honnêteté que je lui témoignois en cette occasion. Il m’en fit extrêmement dans toute cette visite, de laquelle je sortis fort content.

J’allai plusieurs fois chez M. le Duc pour en faire autant à son égard, et, ne le pouvant rencontrer chez lui ni ailleurs, je priai le duc de Coislin, son ami particulier, de le lui dire et de lui donner mon mémoire. Je le portai à Paris à Mme la Princesse, qui me reçut poliment, mais froidement, et qui s’excusa de l’entendre. Je crus devoir faire la même chose à l’égard de M. le duc du Maine, à cause de ce que j’ai expliqué du mariage de Mme d’Albemarle, et par cette raison à l’égard de la reine d’Angleterre, qui me reçut le mieux du monde, et M. du Maine plus poliment encore, s’il se peut, que n’avoit fait M. le Prince. Pour Mme la Duchesse, je la crus trop prévenue pour aller chez elle ; je lui fis dire que c’étoit par ménagement, en lui faisant donner mon mémoire. Content de ces mesures, je le publiai, j’en donnai à tout le monde, et je l’accompagnai de tous les propos que Mme de Lussan méritoit. Je fus fort appuyé de beaucoup d’amis qui y firent dignement leur devoir. Ainsi l’éclat fut grand.

M. le Duc poussé par Mme la Princesse, Mme la Duchesse, je crois par d’Antin, qui n’avoit pu me pardonner la préférence sur lui de l’ambassade de Rome, quoique je n’y eusse eu aucune part et qu’elle n’eût point eu d’effet, ne se laissèrent persuader, ni par mes raisons, ni par mes honnêtetés pour eux, ni par l’exemple de M. le Prince, qui n’ouvrit jamais