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piété et la timidité du prince le rassuroient, mais il étoit inquiet de ce qu’il lui étoit revenu de Mme la duchesse de Bourgogne et de Mme de Maintenon, de nouveau outrées de cette lettre, et qui ne s’en prenoient pas à Chamillart seul. Il craignit une Italienne offensée, qui trouvoit tant d’honneur et d’applaudissement à l’être, qui avoit mis Mme de Maintenon dans ses intérêts ; qui partageoit avec elle l’injure et le dépit d’avoir été surmontées en crédit, et qui, avec elle et sous sa conduite, étoit si libre avec le roi, et si, à portée de lui à toutes les heures. Ces réflexions eurent assez de pouvoir sur le duc de Vendôme pour l’abaisser à témoigner à Mgr le duc de Bourgogne son déplaisir de ce que Mme la duchesse de Bourgogne gardoit si peu de mesure sur son compte, et, sans descendre dans aucune excuse ni justification sur quoi que ce fût, le prier de lui en écrire parce qu’il n’osoit le faire lui-même. L’audace de ce trait fait voir ce que la timidité et la piété mal entendue attire de mépris, même aux dieux de ce monde. En même temps, il fut adroit et hardi : hardi en ce que, ne se mettant en aucune sorte de devoir, il employoit celui à qui il en devoit tant, et en tant de sortes, celui par qui il avoit offensé la princesse, à lui conserver la porte d’une excuse marquée ou d’un respect vague, comme il le voudroit ; adroit en ce qu’après avoir subjugué le prince dans sa propre armée avec un scandale si éclatant, mis la ville, la cour, les provinces presque en entier de son côté à visage découvert, vaincu la princesse en crédit au milieu de la cour et dans l’intrinsèque du roi, il lui présentoit une voie de réconciliation, au moins apparente, qu’il se flattoit d’autant plus qu’elle pourroit ne pas rejeter qu’il n’ignoroit pas les reproches qu’elle avoit déjà essuyés ; et que le refus de le recevoir par ce témoignage de respect lui en devoit faire craindre d’autres, tandis que le roi lui sauroit gré de rendre à sa petite-fille cette soumission pleine de modestie apparente. C’étoit, à vrai dire, un grand effort de politique. Le plus surprenant est que Mgr le duc de