Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/349

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dans les pays étrangers, mais toujours avec tant de précautions qu’on demeurât les maîtres de toutes les copies, également actifs à la répandre partout, et précautionnés à n’en laisser échapper aucune dont ils auroient trop craint l’usage contre eux.

Le comte d’Évreux fut le seul de son état qui se mit de niveau avec ces deux valets. Né quatrième cadet de M. de Bouillon, avec une figure fort ordinaire et un esprit au-dessous, le jargon du monde et surtout celui des femmes, et tout ce qu’il avoit en lui tourné à l’ambition, suppléa aux autres qualités, avec des vues et une certaine adresse. J’ai raconté dans le temps par quelles routes il parvint à la charge de la cavalerie, et le triste mariage qu’il fit, qui fut un nouveau lien pour lui au duc de Vendôme. Ils étoient enfants des deux soeurs, et son beau-père s’étoit chargé des affaires de Vendôme. Il s’attacha de plus en plus à lui, et il compta par son secours sur une rapide fortune. Il s’y livra d’autant plus entièrement que Vendôme lui donna tous les agréments qu’il put dans l’armée, et par charge et personnellement, et qu’il l’avoit fort aidé l’hiver précédent aux décisions que le roi fit en faveur de sa charge contre celle de colonel général des dragons qu’avoit Coigny. Le comte d’Évreux, qui voyoit ses frères dans la disgrâce, et hors de toute espérance du côté du roi, et fort peu de celui de leur père, ne visoit pas à moins qu’à sa charge de grand chambellan, et comptoit que, pour l’emporter, il ne lui falloit rien moins que toute la protection du duc de Vendôme. Telle fut la cause de son abandon à lui, du personnage qu’il crut faire en cette journée d’Audenarde, et qu’il voulut couronner en se faisant son champion par un raffinement de politique.

Il écrivit donc à Crosat une apologie de M. de Vendôme dans le même esprit des deux dont je viens de parler, et qui ne cédoit guère à Campistron sur le compte de Mgr le duc de Bourgogne, duquel il avoit toujours été traité avec une