Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/343

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sous silence et se sont flattés d’en étouffer la voix par le bruit et la hardiesse de leurs clameurs.

Albéroni a recours ici à la même ruse de la confusion des heures dont il s’étoit servi sur celle de l’arrivée des avis de Biron au duc de Vendôme. Il le fait arriver ici à Gand sur les neuf heures du matin. C’est toujours près de deux heures de plus données à son arrière-garde imaginaire. Mais il se donne bien garde de faire mention de ce qu’il devint à Gand, ni de ce qu’il y trouva, ni combien il y resta. Trente heures de lit sans s’informer ni des princes, ni de l’armée, ni de ce que chacun étoit devenu ni devenoit, tout cela est de même parure que tout le reste, et que l’oubli total du chevalier du Rosel et de ses cent escadrons. Albéroni, qui le sent, coule rapidement et se jette à la résolution d’un poste admirable, malgré tous les officiers généraux. Mais la vérité est que ce poste étoit déjà pris avant que le duc de Vendôme y eût plus songé qu’à son armée, et qu’il ronfloit tranquillement dans son lit à Gand avant d’y avoir pensé, tandis que les princes étoient venus dans ce même poste avec ce qui avoit pu y arriver de troupes qui s’y rendirent successivement. Puységur, si longuement et si savamment maréchal des logis de l’armée de Flandre, et sur lequel M. de Luxembourg s’est toujours si utilement reposé de ses marches, de ses campements, de ses fourrages et de tous les terrains, étoit bien l’homme à donner ce conseil à Mgr le duc de Bourgogne, et Vendôme et les siens à se l’approprier après. Il est vrai qu’après que Vendôme fut arrivé à Lawendeghem, il y eut des raisonnements sur ce que dit Albéroni, et qu’il fut résolu de s’arrêter dans ce camp. Mais le choix et la fermeté à y rester sont des louanges gratuites, dont le bruit n’est bon qu’à couvrir tout ce qui vient d’être remarqué, et qui a été trop public pour oser être contesté.

Albéroni prétend que ce camp si savamment choisi a rendu la confiance aux troupes et réduit les ennemis à l’inaction. Il vit bientôt l’Artois sans contribution, M. de