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qui fut la comtesse de Verue, mère du comte de Verue tué à Hochstedt, dont la femme, fille du duc de Luynes, lui fut enlevée par le duc de Savoie, ainsi que je l’ai rapporté ailleurs, dont elle a eu Mme de Carignan et d’autres enfants. Le cadet Disimieu avoit eu l’abbaye de Saint-Aphrodise de Béziers, sans avoir jamais pris aucuns ordres. Il fut longtemps en commerce avec la fille d’un mestre de camp de cavalerie, du nom de Saline, noblement établi depuis plus de trois cents ans en Dauphiné. Il en eut plusieurs enfants, l’épousa ensuite en mettant les enfants sous le poêle, et cela publiquement, en présence des deux parentés, et ont toujours depuis bien vécu ensemble. Par les lois, ces enfants devinrent légitimes, et jusqu’à Mme de Lussan personne ne s’étoit avisé de le leur contester.

L’aîné de ces enfants, muni des pouvoirs et du désistement de Mme de Verue et des siens en sa faveur, fut celui qui se présenta contre Mme de Lussan, et qui, ne connoissant personne à Paris, s’adressa à nous pour avoir protection contre les chicanes et le crédit de cette femme. Elle l’attaqua sur sa naissance, elle se porta à des inscriptions en faux honteuses, et perdit son procès à la grand’chambre avec infamie. Ce qui l’irrita le plus, fut que Disimieu lui contesta sa parenté. Il n’y eut détours ni tours de passe-passe qu’elle ne mît en usage pour éluder et faire perdre terre à un provincial inconnu et peu pécunieux, et cela seul montroit la corde. À la fin, pourtant, il fallut prouver. Alors, elle ne put apporter que des extraits mortuaires, des extraits baptismaux, des contrats de mariage, par lesquels elle montra bien l’alliance du bisaïeul de son mari, que j’ai expliquée ci-dessus, mais qui ne prouvoient aucuns enfants de mariage ; et comme ce bisaïeul se remaria en secondes noces, et que les extraits baptismaux et mortuaires des enfants se trouvèrent exprimant uniquement le nom du père et point celui de la mère, et que Mme de Lussan n’apporta point de contrat de mariage d’eux, cette affectation fit justement