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que Biron, suite de son opiniâtre prévention. Si, au contraire, il avoit cru les ennemis si à portée, c’étoit une folie de leur exposer un aussi petit nombre de troupes, qui de si longtemps ne pouvoient être soutenues. L’engagement pris, c’est où la tête lui tourna comme au maréchal de Villeroy à Ramillies, avec cette différence que le maréchal choisit pernicieusement son terrain et que Vendôme ne fut pas le maître du sien ; que le maréchal, après cette première faute qui rendit toute sa gauche inutile, fit avec le reste tout ce qu’il étoit possible à un meilleur général que lui ; que sa retraite se fit avec le plus grand ordre, sans honte, sans dommage, et que la tête ne lui tourna qu’après, par ne se croire en sûreté nulle part, et abandonner des places à l’abri desquelles il eût pu réparer sa faute et son malheur, et qu’il céda aux ennemis un pays immense qu’ils n’auroient pu espérer qu’après bien d’autres succès et de dangereux sièges.

Ici M. de Vendôme, ivre de dépit et de colère, voit sa poignée de troupes avancées exposée seule à toute l’armée des ennemis ; et, sans songer à ce qu’il veut entreprendre, enlève ce qu’il trouve sous sa main, autre poignée de monde en comparaison de l’armée opposée ; va à perte d’haleine, les fait donner d’arrivée, de cul et de tête, sans ordre et sans règle ; redouble de la même sorte de tout ce qui suit à mesure que chaque troupe arrive ; les fait battre toutes en détail et en confusion, n’a pas le tiers de son armée, puisque, de l’aveu de tous et du sien même, la moitié n’en étoit pas arrivée à la nuit au lieu du combat, et qu’une partie de l’autre arrivoit encore à toute course, chacun à part comme il se trouvoit et pouvoit, accourant au feu et donnant tout de suite là où il le rencontroit. De là le pêle-mêle que j’ai décrit, l’impossibilité de se remuer, de se reconnoître, de boucher les intervalles trop étendus, de discerner les endroits propres, d’avoir ni temps ni moyen de se remuer, de se démêler, de faire aucun mouvement utile, en un mot un combat qui ne put être qu’un désordre, où il n’y eut