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creux et le plus difficile, ne soit souvent à mille pas plus haut qu’un fossé ou un enfoncement médiocre, et plus loin encore un rien qui se passe en escadron ? Pour Grimaldi, il ne reçut d’ordre que des ennemis qui l’attaquèrent. C’est ce qui commença le combat. Pourvu que Mgr le duc de Bourgogne soit en faute, tout est bon à Albéroni. « On ordonna, dit-il, à Grimaldi d’attaquer à l’insu de M. de Vendôme, c’est-à-dire Mgr le duc de Bourgogne, et, tout de suite, c’est ce prince qui, malgré l’ordre envoyé par Vendôme à la gauche d’attaquer, défend de l’exécuter. » On ne peut être moins d’accord avec soi-même, ni moins conséquent dans l’appréhension de combattre qu’Albéroni prête si audacieusement à ce jeune prince, ni se souvenir moins de n’être venu à l’armée qu’à condition d’obéir à Vendôme, comme ce duc osa le lui dire en face et tout haut devant tout le monde, que ces contradictions si continuelles et si hautement exécutées. C’est aussi faire trop peu de cas des hommes de leur mentir si complètement et si grossièrement.

De ce joli petit conte, si bien inventé, Albéroni saute entièrement le combat et vient tout d’un coup à la retraite. Il en a bien ses raisons : disons-en un mot.

Aux fautes si funestes que la paresse, l’orgueil et l’opiniâtreté avoient fait faire à M. de Vendôme, la rage de s’être si lourdement trompé, et à la face de toute l’armée et de tant de gens qui avoient osé l’avertir, mit le comble aux fautes précédentes, si des intentions plus criminelles n’y eurent point de part. Au moins ce qui se passa dans la suite de cette campagne en put autoriser les soupçons. Sans s’y arrêter, on ne peut guère au moins disconvenir que la tête lui tourna, et qu’il ne montra rien de capitaine en toute cette journée. Dans la pensée où il étoit de l’éloignement des ennemis, rien ne le pressoit d’envoyer si fort à l’avance Biron et Grimaldi qui ne s’étoient pas portés là sans son ordre, et il parut bien qu’il croyoit les ennemis encore bien éloignés, puisque le campement arriva avec Puységur aussitôt