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déjà parti pour aller à Biron ; que cet officier s’adressa à Mgr le duc de Bourgogne, qui, ayant été témoin de l’ordre que M. de Vendôme avoit envoyé à Biron d’attaquer les ennemis, renvoya l’officier de Grimaldi avec le même ordre d’attaquer, lequel en arrivant à lui le trouva déjà attaqué lui-même, et en lieu où il ne put être soutenu à temps par l’obstacle du ravin. Démêlons maintenant le petit roman d’Albéroni avec tout son artifice.

Il vient d’être démontré qu’il étoit deux heures après midi quand Biron aperçut l’armée des ennemis, et qu’il en envoya le premier avis, que Vendôme n’en crut rien et ne s’ébranla de son repas qu’au troisième avis du même Biron ; on peut juger par là de l’heure qu’il pouvoit être. Cependant Albéroni veut qu’il ne fût que dix heures du matin. Mais que fit donc son héros jusqu’à quatre heures après midi que sur l’attaque de Grimaldi il commença à donner des ordres ? Voilà six heures d’une singulière patience depuis des nouvelles si intéressantes des ennemis, et un prodigieux temps perdu que l’apologiste ne remplit de rien ! Mais il falloit gagner quatre heures après midi, parce qu’en effet M. de Vendôme n’arriva guère plus tôt au lieu où on combattoit. Est-ce en y allant avec la tête des colonnes qu’il passa si aisément ce ravin ? Qu’est-ce que toute cette fable, sinon pour tomber sur Mgr le duc de Bourgogne et pour montrer toujours Vendôme ardent à combattre et le jeune prince toujours obstacle à l’empêcher ? Il n’y a qu’à se souvenir de ce qui vient d’être expliqué et démontré tout à l’heure de ce qui se passa sur le troisième avis de Biron pour se convaincre que ce dernier récit d’Albéroni est une imposture controuvée de point en point. À l’égard du ravin, c’est Biron qui l’avoit reconnu, c’est les ennemis qui ne le passèrent qu’à force de fascines, ce sont des faits, mais qui n’ont aucun trait à Mgr le duc de Bourgogne, qui n’imagina pas de défendre ni d’ordonner quoi que ce soit qu’avec et de l’avis de M. de Vendôme. Mais qui peut ignorer qu’un ravin, le plus