Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/332

Cette page n’a pas encore été corrigée

a-t-il tenu aucun ? et qui de ses partisans a osé l’avancer ? Que veut donc dire Albéroni quand il débite avec cette effronterie deux partis en dispute qui ne furent jamais, et l’élection du plus mauvais, par lequel on se flattoit d’éviter un combat, contre le meilleur soutenu par Vendôme, mais qui ne passa point, parce qu’il fut seul de son avis, tandis que ce fut, non son avis, mais son opiniâtre et seule volonté qui, contre celle de Mgr le duc de Bourgogne et les efforts de tout ce qui des généraux osa lui parler, qui le retint trois jours sans s’ébranler, et sans pourvoir ni aux ponts ni à la marche ; dont le succès fut si malheureux, bien loin qu’aucun avis ait prévalu sur le sien.

La même réponse servira au mensonge qui suit le premier, et qui se répand sur toutes les parties de ce qu’il avance. Il dit que son héros, qui avoit bien mieux pensé (on ne voit pas en quoi), voulut attaquer les ennemis sitôt qu’il eut avis d’eux par Biron, et qu’il vit la poussière de leur armée au delà de la rivière à une demi-lieue d’Audenarde, à dix heures du matin, mais qu’étant demeuré seul de son sentiment, il ne fut point écouté. Sans rien répéter de ce qui vient d’être dit sur l’autorité entière et sans partage de M. de Vendôme dans l’armée, discutons le reste de ce court récit, court, dis-je, et serré pour jeter de la poudre aux yeux, et cacher l’imposture par l’audace et l’air de simplicité. Qui est plus croyable en ces faits, d’Albéroni ou de Biron, de Puységur et du maréchal de Matignon, acteurs principaux dans le fait dont il s’agit, et de tout ce qui se trouva avec et autour des princes et de M, de Vendôme, qui mangeoient un morceau lorsqu’ils reçurent les trois avis coup sur coup de la part de Biron ? Mais démêlons les faits.

Biron, détaché de l’armée avec sa réserve, à portée d’un autre corps plus éloigné, reçoit le soir précédant l’action ordre de se faire joindre par ce corps et de marcher, etc. Il faut un temps pour envoyer à ce corps le plus éloigné, un second pour qu’il se mette en marche et qu’il joigne Biron,