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témoignages, et sur l’unanimité du parti unique, sans aucune dispute de M. de Vendôme, et sur sa fatale opiniâtreté d’en avoir différé le mouvement de trois jours, et sur les trois marches que les ennemis lui dérobèrent, et sur son incrédulité à cet égard poussée jusqu’au moment qu’il vit de ses yeux ce que Biron lui manda, qu’il méprisa avec emportement les deux premières fois, et qu’il crut à demi, et à peine la troisième, qui le fit monter à cheval.

Il est donc clair que ce parti de défendre la Dendre, que cette réponse flatteuse sur le prince Eugène, est une histoire en l’air, controuvée après coup pour donner à son maître un air de héros, et pour faire malignement sentir que Mgr le duc de Bourgogne ne vouloit point combattre. Mais à qui Albéroni espère-t-il persuader que M. de Vendôme fût assez peu compté dans son armée pour qu’elle ne se remuât qu’à la pluralité des voix ? Ces voix, qui étoient-elles ? Ce n’est pas celle de Mgr le duc de Bourgogne à qui Vendôme sut dire bientôt après devant tout le monde qu’il se souvînt qu’il n’étoit venu à l’armée qu’à condition de lui obéir. Était-ce le maréchal de Matignon, envoyé là uniquement pour profaner son bâton à l’obéissance de Vendôme, et dont on n’a jamais pensé que la capacité suppléât à la dignité ? Étaient-ce des lieutenants généraux ? En quelle armée en a-t-on vu dont la voix fût prépondérante à celle du général ? et quelle comparaison de l’autorité des maréchaux de France que nous avons vus à la tête des armées à celle du duc de Vendôme ? Enfin y avoit-il là quelque mentor attaché par le roi à son petit-fils, dont la sagesse, et la confiance du roi en elle, suppléât au caractère et fût en droit de balancer Vendôme ? L’imagina-t-on de Gamaches, de d’O, de Razilly, ni d’eux, ni de pas un des officiers généraux des plus distingués de l’armée ? C’est ce qui n’a été imaginé de personne, et que la cabale de Vendôme n’a aussi osé avancer. Qui étoit donc en état, en droit, en moyen de le contredire ? Et quels que soient les conseils de guerre, en