Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/324

Cette page n’a pas encore été corrigée

de Saint-Georges, et s’étendit sur ses louanges assez longtemps. Marlborough, qui l’écouta avec grande attention, lui répondit qu’il lui faisoit grand plaisir de lui en apprendre tant de bien, parce qu’il ne pouvoit s’empêcher de s’intéresser beaucoup en ce jeune prince, et aussitôt se mit à parler d’autre chose. Biron remarqua en même temps de l’épanouissement sur son visage et sur celui de la plupart de la compagnie.

L’autre fait est du prince Eugène. Parlant avec lui du combat, ce prince lui témoigna une grande estime de ce qu’il avoit vu faire à nos troupes suisses, qui en effet s’étoient fort distinguées. Biron les loua beaucoup. Eugène en prit occasion d’en vanter la nation, et de dire à Biron que c’étoit une belle charge en France que d’en être colonel général. « Mon père l’avoit, ajouta-t-il d’un air allumé, à sa mort nous espérions que mon frère la pourroit obtenir ; mais le roi jugea plus à propos de la donner à un de ses enfants naturels, que de nous faire cet honneur-là. Il est le maître, il n’y a rien à dire ; mais aussi n’est-on pas fâché quelquefois de se trouver en état de faire repentir des mépris. » Biron ne répondit pas un mot, et le prince Eugène, content d’un trait si piquant sur le roi, changea poliment de conversation. Dans le peu que Biron fut parmi eux, il remarqua une magnificence presque royale chez le prince Eugène, et une parcimonie honteuse chez le duc de Marlborough, qui mangeoit le plus souvent chez les uns et les autres, un grand concert entre eux deux pour les affaires, dont le détail rouloit beaucoup plus sur Eugène, un respect profond de tous les officiers généraux pour ces deux chefs, mais une préférence tacite et en tout pour le prince Eugène, sans que le duc de Marlborough en prît jalousie. Monseigneur entretint peu Biron, quoique très familier avec lui ; Mme la duchesse de Bourgogne beaucoup et souvent. Il la mit en état de répondre à diverses choses qu’on avoit tâché d’embarrasser. On n’eut jamais un vrai détail. Ce ne furent