Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/319

Cette page n’a pas encore été corrigée

d’escorte. Là-dessus Vendôme cria que cela seront honteux ; les chaises furent contremandées, et l’escorte déjà commandée servit depuis à ramasser les fuyards. Alors ce petit conseil tumultueux se sépara. Les princes, avec ce peu de suite qui, les avoit accompagnés, prirent à cheval le chemin de Gand. Vendôme, sans plus donner nul ordre, ni s’informer de rien, ne parut plus en aucun lieu ; ce qui s’étoit trouvé là d’officiers généraux retournèrent à leurs postes, ou, pour mieux dire, où ils purent, ainsi que le maréchal de Matignon, et firent passer en divers endroits de l’armée l’ordre de se retirer. La nuit étoit tantôt close ; on entendoit encore plusieurs combats particuliers en divers endroits ; enfin les premiers avertis s’ébranlèrent.

Cependant les officiers généraux de la droite et ceux de la maison du roi tenoient leur petit conseil entre eux, et ne pouvoient comprendre comment il ne leur venoit point d’ordre, lorsque celui de la retraite leur arriva. Mais tandis qu’ils demeuroient en cette attente et en suspens, ils se trouvèrent environnés et coupés de toutes parts. Chacun d’eux alors fut bien étonné. Ils recommençoient à raisonner sur les moyens d’exécuter leur retraite, lorsque le vidame d’Amiens qui, comme tout nouveau maréchal de camp, ne disoit pas grand’chose, se mit à leur remontrer que, tandis qu’ils délibéroient, ils alloient être enfermés ; puis, voyant qu’ils continuoient en leur incertitude, il les exhorta à le suivre, et se tournant vers les chevau-légers de la garde dont il étoit capitaine : « Marche à moi ! » leur dit-il, en digne frère et successeur du duc de Montfort ; et, perçant à leur tête une ligne de cavalerie ennemie, il en trouva derrière elle une autre d’infanterie dont il essuya tout le feu, mais qui s’ouvrit pour lui donner passage. À l’instant, le reste de la maison du roi, profitant d’un mouvement ’si hardi, suivit cette compagnie, puis les autres troupes qui se trouvèrent là, et toutes firent leur retraite ensemble toute la nuit et en bon ordre jusqu’à Gand, toujours menés par le