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marche. La cavalerie se mit en bataille pour donner le temps à l’infanterie d’arriver. Tout d’un coup on vit l’armée ennemie s’arrêter et commencer à camper. Là-dessus notre armée fila vers la Dendre. Les ennemis détendirent et marchèrent en arrière. L’arrière-garde de Mgr le duc de Bourgogne passa la Dendre à Ninove, le 6, à sept heures du matin, et toute l’armée vint camper, la droite sur Alost, la gauche à l’Escaut et à Schelebel. Deux jours après, la citadelle de Gand capitula, dont trois cents Anglois sortirent. Gacé, fils du maréchal de Matignon, apporta la première nouvelle au roi. Scheldon, mestre de camp, réformé anglois, aide de camp de M. de Vendôme, et qui avoit fait la capitulation avec la citadelle, apporta la seconde ; et en même temps Fretteville, dépêché par le comte de La Mothe, apprit au roi qu’il s’étoit rendu maître de Bruges avec la même facilité. Il n’y avoit dans le secret de cette entreprise que Bergheyck qui la procura, les deux fils de France, le chevalier de Saint-Georges, M. de Vendôme, Puységur, et au moment de l’exécution les conducteurs de l’entreprise. Les deux fils de France, avec le chevalier de Saint-Georges, suivis de la principale généralité, entrèrent avec pompe à Gand, ou, pour marquer leur confiance, ils descendirent à l’hôtel de ville, où ils furent magnifiquement festoyés. Ce fut une joie à Fontainebleau qui se put dire effrénée, et des raisonnements sur les fruits de ce succès qui passoient de bien loin le but. Je fus fort sensible à un si agréable début, mais j’en craignis l’ivresse, et je ne pus m’empêcher de mander à M. le duc d’Orléans ce que j’en pensois.

La marche de l’armée du prince Eugène, de la Moselle en Flandre, fit séparer en deux celle de l’électeur qui l’avoit suivie quelque temps. Il vint de sa personne passer quelques jours à Metz, retournant à Strasbourg. Avec ce qu’il remenoit, l’armée du Rhin étoit de quarante-deux bataillons et de soixante-treize escadrons ; le duc de Berwick mena en Flandre trente-quatre bataillons et soixante-cinq escadrons.