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quelque reste de parti de ce grand soulèvement qu’il avoit si bien concerté, qui, selon toutes les apparences, auroit réussi, si le succès d’Écosse avoit répondu à notre attente. Le grand bailli de Gand, fort accrédité dans la ville, y avoit continué ses pratiques, et mis les choses au point d’exécution, tandis qu’à Bruges, Bergheyck procuroit aussi les mêmes menées pour réussir à la fois. Il n’y avoit pas un bataillon entier dans ces deux places, et les bourgeois y étoient fort bien intentionnés pour l’Espagne. L’armée de Mgr le duc de Bourgogne sembloit ne songer qu’à subsister en attendant de voir ce que feroient les ennemis. Artagnan fut détaché le 3 juillet, avec un gros corps, sous prétexte de subsistance ; et le soir du même jour, Chemerault partit du camp de Braine-l’Alleu, avec deux mille chevaux et deux mille grenadiers, pour faire un fourrage sur Tubise, mais en effet pour marcher diligemment à Ninove. Il s’y arrêta quelque temps, et continua après sa marché sur Gand. À six heures du matin, le 4, il s’en trouva à une lieue, où il reçut nouvelles de La Faye, brigadier des troupes d’Espagne. Il lui mandoit qu’il étoit parti la veille de Pions avec soixante officiers ou soldats de son régiment déguisés, et qu’il étoit maître de la porte de la chaussée, dont il avoit eu peu, de peine à s’emparer. Là-dessus, Chemerault avec ses troupes passa à Gand le plus diligemment qu’il put, mais non assez pour ne pas laisser La Faye en grand danger, et le grand bailli et ses bourgeois en grande peine. Enfin il arriva et se rendit maître de la ville sans essuyer un seul coup, et le peuple en témoignant sa joie.

Chemerault trouva dans la ville quantité d’artillerie et de munitions. Il dépêcha le chevalier de Nesle à Mgr le duc de Bourgogne., qu’il trouva sur le midi faisant faire halte à son armée sur le ruisseau de Pepingen, qui à cette nouvelle se remit aussitôt en marche. Comme la tête arrivoit au moulin de Goiche, l’armée ennemie parut sur les hauteurs de Saint-Martin-Lennik. On crut qu’elle venoit attaquer dans la