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rendoit la vie et les forces au parti de l’archiduc. Cette tyrannie mit au désespoir la Sardaigne, qui ne peut vivre que de la vente de ses blés, et qui, ne pouvant fléchir l’avarice de son vice-roi, lui préféra l’archiduc, et traita secrètement, en sorte que cette conquête ne lui coûta que d’envoyer quelques vaisseaux se présenter devant Cagliari. Le vice-roi, abandonné en vingt-quatre heures, remit l’île au commandant des vaisseaux pour l’archiduc, à une condition qu’on lui tint : ce fut d’être porté libre, lui et tous ses effets, en Espagne, avec tous ceux qui le voudroient suivre. Peu de seigneurs s’embarquèrent avec lui, et nuls autres. Le merveilleux est qu’il fut reçu à Madrid avec acclamations. Disons d’avance que ce ne fut pas la plus considérable perte que fit l’Espagne cette année. Le chevalier Leake se présenta au mois d’octobre à l’île de Minorque, qui se soumit aussitôt à l’archiduc. Le port Mahon fit très peu de résistance, tellement que, avec cette conquête et Gibraltar, les Anglois se virent en état de dominer la Méditerranée, d’y hiverner avec des flottes entières, et de bloquer tous les ports d’Espagne sur cette mer. Il est temps de parler de la Flandre.

Le prince Eugène passa la Moselle le dernier juin, embarqua son infanterie à Coblentz, et marcha sur Maestricht. On avoit eu, dans notre armée, quelque envie de surprendre Bruxelles, et il y avoit quatre mille échelles préparées pour ce dessein. Il fallut consulter le roi, qui n’en fut pas d’avis, et ce projet demeura sans exécution. En même temps on découvrit une conspiration à Luxembourg. Quelques ouvriers et des gens du peuple crurent pouvoir profiter de la maladie du comte d’Hostel, gouverneur de la place, qui étoit à l’extrémité, pour y faire entrer les ennemis. Le prince Eugène s’en étoit mis à portée. Druy, lieutenant général et lieutenant des gardes du corps, très bon officier et fort galant homme, commandoit là sous le comte d’Hostel. Il fit arrêter un boulanger qui découvrit tous les complices, qui furent pendus.

Bergheyck, cependant, cherchoit les moyens de tirer