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fait une magnifique entrée, pour passer ensuite à Barcelone, où étoit l’archiduc, sur la flotte anglaise commandée par le chevalier Leake. M. de Savoie ne se pressoit point de mettre en campagne. Il se plaignoit d’avoir été trompé à la précédente guerre par l’empereur Léopold, qui ne lui avoit pas tenu ce qu’il lui avoit promis. Il tint donc si ferme à demeurer les bras croisés, jusqu’à ce qu’il eût reçu la satisfaction qu’il demandoit, que l’empereur se vit forcé de finir avec lui. Il lui donna donc l’investiture de Montferrat, au grand regret et préjudice du droit de M. de Lorraine, et des promesses réitérées qu’il lui en avoit faites.

M. le Prince ne le trouva pas meilleur, qui y prétendoit aussi après la mort du duc de Mantoue, qui arriva le 5 juillet à Padoue assez promptement. Il laissa beaucoup d’argent comptant ; de vaisselle, de pierreries, de meubles magnifiques et de beaux tableaux, mais pas un pouce de terre, depuis que l’empereur s’étoit emparé de ses États. En lui finit la branche des souverains de Mantoue. Les Gonzague l’avoient peu à peu usurpée, comme tous ces petits souverains d’Italie, et, comme eux, en avoient fait un État héréditaire. Il y avoit encore deux branches de Gonzague, auxquelles l’empereur n’eut aucun égard. M. de Mantoue ne fit point de testament. Mme de Mantoue fit donner part au roi, par l’envoyé de Bantoue de sa part à elle, qui fut traité pour cette fois en envoyé de souverain. Le roi en prit le deuil en noir, et le quitta au bout de cinq jours. Il envoya un gentilhomme ordinaire faire compliment à Mme de Mantoue, à qui il donna quarante mille livres de pension, comme elle les touchoit auparavant, sur les quatre cent mille livres qu’il donnoit à M. de Mantoue, jusqu’à son rétablissement dans ses États, et qui se retenoient dessus pour elle. Elle eut aussi les trente mille livres de pension du roi d’Espagne qu’il donnoit à son mari. Ainsi elle eut, outre son bien, soixante-dix mille livres de pensions. M. de Lorraine prétendit hériter de Charleville,