Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/299

Cette page n’a pas encore été corrigée

sans contrainte. Elle fut bonne, et à la porte du cabinet qui donne dans la cour. La mère et le fils s’enfermèrent d’abord seuls. Phélypeaux et les deux Bignon venus avec elle vinrent à la compagnie. Le P. de La Tour tâcha de remettre la tête fort étourdie aux belles-soeurs. La chancelière leur fit au mieux, et dit qu’elle n’étoit point venue pour chasser personne, ni pour presser son fils sur Fontainebleau, mais pour être avec lui tant qu’il demeureroit à Pontchartrain, et en effet pour les importuner tous si bien de sa présence et de ses compliments, qu’elle fît finir un séjour si ridiculement poussé. Cela réussit bientôt. Je donnai encore une journée à la chancelière, avec qui j’eus beaucoup d’entretiens, et je m’en revins enfin à Paris pour ne plus retourner. Peu de jours se passèrent dans l’embarras que j’avois laissé. Les belles-soeurs, peut-être pour se raccommoder, ou pour abréger leur ennui, furent les premières à porter leur beau-frère au départ. Il capitula sur la réception que lui feroit son père, sur la vie particulière qu’il vouloit mener à la cour, où il ne vouloit, disoit-il, demeurer qu’une année. Qui l’eût pris au mot l’auroit bien fâché. Enfin tout le monde partit à la fois. La mère et le fils allèrent droit à Fontainebleau, où le chancelier se contraignit à bien recevoir son fils, mais outré de tout ce qui s’étoit passé, persuadé du jeu d’affliction, et que de Pontchartrain il avoit percé jusqu’à Fontainebleau où on en parloit trop.

La conduite qu’il y tint, les personnages ridicules et différents qu’il y fit, les affectations de parade et cent sortes de singularités en public, achevèrent de l’y démasquer et de l’y faire mépriser, dont le chancelier et sa femme étoient sans cesse désolés. Mme de Saint-Simon plus simple, mais plus intimement touchée, eut grand’peine à se résoudre à rentrer dans sa vie accoutumée et à retourner à la cour. J’en étois d’autant plus pressé que le roi ne s’accommodoit ni des douleurs ni des absences, et que sur les derniers temps de la vie de Mme de Pontchartrain, Mme de Saint-Simon s’étoit