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Fontainebleau. Mme de Pontchartrain étoit à Paris à l’extrémité. Ma liaison intime avec cette famille, et plus encore l’union et l’intimité plus que de sœurs qui étoit entre Mme de Saint-Simon et elle, nous arrêta à Paris. Elle ne voyoit presque plus personne, et n’avoit de consolation qu’avec Mme de Saint-Simon, qui n’en trouvoit aussi qu’auprès d’elle. Le caractère de cette femme accomplie tiendroit trop de place ici ; il la trouvera mieux parmi les Pièces [1]. Il est trop beau, trop singulier, trop instructif pour le laisser ignorer. Il y avoit longtemps qu’une si grande perte étoit prévue. C’étoit une maladie de femme venue de trop de couches et trop près à près, de trop peu de ménagement d’abord, qui rendit tous les divers remèdes inutiles. Pontchartrain, qui avoit là-dessus bien des reproches à se faire, en pouvoit combler la mesure par la contrainte continuelle dans tout, et par son étrange humeur qu’il lui avoit fait essuyer sans cesse. La patience et la douceur dont elle ne s’étoit jamais lassée, jusqu’à être outrée lorsqu’on pouvoit s’apercevoir qu’elle en avoit besoin, avoit infiniment pris sur elle, et fort aigri son sang, qu’on ne put enfin calmer ni arrêter. Soit vérité, soit feinte, comme dans les suites cela ne parut que trop, Pontchartrain sentit toute la grandeur de sa perte, et plus d’un an avant qu’elle arrivât, il me confia que si ce malheur, qu’il ne prévoyoit que trop, lui arrivoit, il avoit pris le dessein de se retirer ; que, dès qu’il la verroit diminuer, il tiendroit sa démission toute prête ; que, dès que le malheur seroit arrivé, il l’enverroit au roi et se retireroit aussitôt dans un petit appartement que son père avoit à l’institution de l’Oratoire, où il passoit les bonnes fêtes ; qu’il y demeureroit trois ou quatre mois jusqu’à ce qu’il se fût déterminé à un lieu et à un genre de

  1. On voit par ce passage que les morceaux renvoyés aux Pièces par Saint-Simon étaient quelquefois de sa composition ; c’est un motif de plus pour regretter que le public ne puisse encore profiter de cette partie de"ses œuvres. Voy. t. I°, p. 437, note.