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éclat, que Maréchal me conta que de Bar, désespéré de se voir confiné en prison pour le reste de sa vie, malgré les assurances de protection infaillible et des récompenses dont les Bouillon l’avoient repu pour lui faire exécuter cette insigne fausseté, et lassé de ces imprécations contre eux si inutiles, s’étoit cassé la tête contre les murailles ; que lui, Maréchal, avoit été appelé pour le visiter dans cette furie et dans cette blessure, de laquelle il étoit mort deux jours après.

Le roi, qui avoit la faiblesse de ne partir jamais un vendredi, ne fut pas si scrupuleux pour son petit-fils. Il fixa son départ au 14 mai. Il sembleroit néanmoins qu’à qui observeroit les jours, celui de l’assassinat d’Henri IV et de la mort de Louis XIII devroit être réputé un jour malheureux pour la France, pour ses rois et pour ceux qui en sont si récemment sortis. Mais le roi, qui n’a jamais compté que lui pour roi de France, put s’apercevoir en cette occasion que sa cour ne le comptoit pas seul, malgré ses adorations. La messe du roi qui, selon la coutume, fut de Requiem, frappa tout le monde et l’attrista sur le départ du jeune prince et [on] ne s’en put contenir. Je n’en fus pas témoin ; j’étois à Saint-Denis à l’anniversaire de celui, dont par mon père, je tiens toute ma fortune ; c’est à son exemple un devoir qui l’emporte sur tout autre, et auquel je n’ai jamais manqué. Il est vrai que je m’y suis toute ma vie trouvé tout seul, et que je n’ai jamais pu m’accoutumer à un oubli si scandaleux de tant de races comblées par ce grand monarque, dont plus d’une sans lui seroient inconnues et demeurées dans le néant. À mon retour de Versailles, je trouvai qu’on y étoit encore blessé du choix de ce jour funeste.

Mgr le duc de Bourgogne étoit parti à une heure après midi pour aller coucher à Senlis, chez l’évêque, frère de Chamillart, dont toute la famille étoit allée l’y recevoir. Il passa à Cambrai avec les mêmes défenses de la première