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vue depuis son beau mariage par cinq ou six religieuses qui se relayoient. Elle sortit du dedans et entra dans l’église ; le prince de Léon par une autre porte en même temps, sans compliments de personne, car cela avoit été concerté ainsi, et qu’ils ne se diroient mot. Le curé dit la messe et les maria. La cérémonie finie, chacun signa, et sans se dire une parole chacun s’en alla de son côté. Les mariés montèrent ensemble dans un carrosse pour se rendre à quelques lieues de Paris chez un financier, des amis du prince de Léon, en attendant qu’ils eussent une maison dans Paris, où ils payèrent leur folie d’une cruelle indigence, qui ne finit presque qu’avec leur vie, n’ayant presque pas survécu ni l’un ni l’autre le duc de Rohan et M. et Mme de Roquelaure. Ils ont laissé plusieurs enfants.

Pour être correct, il faut ajouter que tout fut signé et consommé avant Fontainebleau, mais que le duc de Rohan, qui étoit tombé malade de dépit, et qui ne voulut jamais donner que douze mille livres de rente à son fils, quoique Mme de Roquelaure en offrît dix-huit mille si M. de Rohan vouloit aller jusque-là, profita de l’empressement du roi pour en obtenir des lettres patentes, qui, nonobstant toute règle du royaume et toutes lois et coutumes de Bretagne, qui n’y permettent aucune substitution, lui permissent d’en faire une graduelle à l’infini de tous ses biens de Bretagne, où les cadets et les filles seroient fort maltraités. Mme de Soubise et Mme de Roquelaure emportèrent ce consentement, qui ne coûtoit rien au roi, après quoi il fallut faire la substitution. Il se passa encore deux mois à cet ouvrage, pendant lesquels le roi envoya plus d’une fois le duc d’Aumont au duc de Rohan pour le presser de finir, et le manda à Fontainebleau pour l’en presser lui-même. Enfin cet ouvrage fut achevé au bout de deux mois, les, lettres patentes expédiées et enregistrées comme il le voulut, et le mariage célébré immédiatement après en la manière que je l’ai rapportée.