Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/273

Cette page n’a pas encore été corrigée

mais de la gaieté et de la liberté d’esprit qu’elle avoit marquée aux, Bruyères, et des chansons dont elle avoit diverti le repas.

Le duc et la duchesse de Rohan aussi furieux, mais moins à plaindre, firent de leur côté un étrange bruit. Leur fils, bien en peiné de se tirer de ce mauvais pas, eut recours à sa tante de Soubise, pour s’assurer du roi dans une affaire qui ne pouvoit pas lui être indifférente, quelque mal qu’elle fût avec son frère. Elle l’envoya à Pontchartrain trouver le chancelier ; il y arriva le lendemain de ce beau mariage à cinq heures du matin, comme le chancelier s’habilloit, à qui il demanda conseil ’et secours. Il l’exhorta à faire l’impossible pour fléchir son père, et surtout Mme de Roquelaure, et cependant de tenir le large. À peine avoient-ils commencé à parler, que Mme de Roquelaure lui manda qu’elle étoit au haut de la montagne, où elle le prioit de lui venir parler. Ils étoient de tout temps extrêmement amis. Elle avoit appris en chemin que le prince de Léon avoit passé pour aller à Pontchartrain. Elle ne voulut pas se commettre à l’y voir ; c’est ce qui la fit arrêter à un demi-quart de lieue où le chancelier vint aussitôt à cheval la trouver. Il monta dans son carrosse, et y trouva la fureur même. Elle lui dit qu’elle n’étoit pas venue lui demander conseil, mais lui rendre compte, comme à son ami, de ce qu’elle alloit faire, et verser sa douleur dans son sein, et comme au chef de la justice la lui demander tout entière. Le chancelier lui laissa tout dire, puis voulut lui parler à son tour ; mais, dès qu’elle sentit qu’il la vouloit porter à quelque raison, elle s’emporta de plus en plus, et de ce pas s’en alla tout droit à Marly, où le roi étoit, et dont elle n’étoit pas ce voyage. Elle y descendit chez la maréchale de Noailles ; la grand’mère paternelle du maréchal de Noailles étoit fille du maréchal de Roquelaure, et l’envoya dire son malheur à Mme de Maintenon, et la conjurer qu’elle pût voir le roi en particulier chez elle. En effet, elle y entra sur la fin du