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ouvertement avec lui, et qui tous, excepté sa sœur, ses nièces et la duchesse d’Elboeuf, sa belle-mère, c’est-à-dire de sa femme ; et qui demeura neutre, cessèrent tous de le voir et ne l’ont jamais revu depuis. Ses nièces en demeurèrent brouillées avec eux tous, et M. le Grand ne cessa de jeter feu et flammes.

L’affront qu’il prétendoit que son fils avoit reçu en Lorraine, par la préséance de Vaudemont qu’il y avoit essuyée, l’outroit d’autant plus que, brouillé lui-même avec M. de Lorraine, par la hauteur avec laquelle il avoit arrêté ici tout court les prétentions de Vaudemont, et dont il s’étoit élevé contre sa préséance sur eux, il lui devenoit fort embarrassant de laisser son fils à la petite cour de M. de Lorraine, et encore plus amer de lui faire perdre quarante mille livres de rente qu’il en recevoit, en le faisant revenir, et rie voulant pas l’en dédommager. Après bien des fougues, Mme d’Armagnac, bien moins indifférente que lui à se soulager du prince Camille aux dépens d’autrui, fit en sorte qu’il demeurât en Lorraine, mais avec le dégoût d’en disparaître toutes les fois que Vaudemont y venoit, et ce dernier y alloit de tous ses voyages de Commercy, ce qui arrivoit plusieurs fois l’année. Néanmoins cela subsista toujours depuis ainsi ; et Camille, qui n’étoit ni aimable ni aimé en Lorraine, y fut sur le pied gauche plus que jamais le reste de sa vie.

Qui que ce soit de sens et de raisonnant à la cour n’avoit pu goûter la solide et brillante figure que Vaudemont y fit par les grâces pécuniaires et par les distinctions de considération ; mais les Espagnols surtout, et ce qui avoit servi dans leurs troupes en Italie, en étoient indignés. Le duc d’Albe, moins que personne, ne pouvoit comprendre comment ce citoyen de l’univers, affranchi des Hollandois, confident du roi Guillaume, créature de la maison d’Autriche, serviteur si attaché et si employé toute sa vie de tous les ennemis personnels du roi et de la France, et qui les avoit peut-être plus utilement servis depuis que la conservation des grands