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d’elle en Écosse et d’Élisabeth en Angleterre. Il donna aussi la Jarretière au marquis d’Hamilton. Jacques VI, marquis d’Hamilton, son fils, fut fait duc d’Hamilton et chevalier de la Jarretière par le malheureux roi Charles Ier, pour lequel il mourut sur un échafaud en 1649. Il ne laissa que des filles. Anne, l’aînée, épousa Guillaume Douglas, comte de Selkirke, que Charles II, après son rétablissement, fit duc d’Hamilton ; et c’est de lui que descendent les ducs d’Hamilton d’aujourd’hui.

Le père et la mère de la comtesse de Grammont étoient catholiques, vinrent passer quelque temps en France avec leurs enfants ; ils mirent la comtesse de Grammont, toute jeune, à Port-Royal des Champs, où elle fut élevée, et elle en avoit conservé tout le goût et le, bon, à travers les égarements de la jeunesse, de la beauté, du grand monde et de quelques galanteries, sans que, comme on l’a vu, la faveur ni le danger de la perdre l’aient jamais pu détacher de l’attachement intime à Port-Royal.

C’étoit une grande femme qui avoit encore une beauté naturelle sans aucun ajustement, qui avoit l’air d’une reine, et dont la présence imposoit le plus. On a vu ailleurs comment se fit son mariage, le goût si marqué et si constant du roi pour elle, jusqu’à inquiéter toujours Mme de Maintenon, pour qui la comtesse de Grammont ne, se contraignit pas. Elle avoit été dame du palais de la reine. C’étoit une personne haute, glorieuse, mais sans prétention et sans entreprise ; qui se sentoit fort, mais qui savoit rendre, avec beaucoup d’esprit, un tour charmant, beaucoup de sel, et qui choisissoit fort ses compagnies, encore plus ses amis. Toute là cour la considéroit avec distinction, et jusqu’aux ministres comptoient avec elle. Personne ne connoissoit mieux qu’elle son mari ; elle vécut avec lui à merveilles. Mais, ce qui est prodigieux, c’est qu’il est vrai qu’elle ne put s’en consoler, et qu’elle-même en étoit honteuse. Ses dernières années furent uniquement pour Dieu.