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toutes les heures avec le roi, qu’il auroit trouvées en faisant un département à sa charge des bâtiments, et de tout ce qui en dépend, et qu’un secrétaire d’État en familiarité et en faveur sait bien étendre. Il avoit beaucoup de goût et de connoissance pour bien faire cette charge, et il la souhaitoit passionnément.

Le premier écuyer et lui contraignirent d’Antin plus que nul autre. Il vouloit s’approcher intimement du roi de quelque façon que ce pût être, il vouloit aller à tout, et son esprit étoit capable de tout. Il avoit déjà, comme on l’a vu, tâché d’être fait duc à la mort de son père. Sa naissance ne s’y opposoit pas, il n’avoit plus Mme de Maintenon contraire depuis la mort de sa mère, elle n’étoit pas même éloignée de l’approcher du roi, par rapport aux bâtards. Ceux-ci le portoient à découvert, et les Noailles aussi, qui étoient lors dans la plus haute faveur. Chacun d’eux croyoit y trouver son compté, et le passage par Petit-Bourg les encourageoit à le servir ; mais il avoit beaucoup d’esprit, chose, en général, que le roi craignoit, et éloignoit de sa personne, et une réputation de prendre comme il pouvoit, bien dangereuse pour les bâtiments. Rien toutefois ne les rebuta, et Monseigneur, que cette dernière raison devoit arrêter, comme on va voir, plus que personne, se laissa gagner par Mme la Duchesse, et entraîner, parce qu’il compta du crédit qui portoit d’Antin, jusqu’auprès de Mme de Maintenon, à oser, pour la première fois de sa vie, témoigner au roi à son âge qu’il désiroit les bâtiments à d’Antin, l’affaire traînoit, et cela même donnoit espérance aux rivaux. Le premier écuyer vint une après-dînée dans ma chambre, venant de mettre le roi dans son carrosse. Il nous trouva Mme de Saint-Simon et moi seuls ; ce qui avoit dîné avec nous étoit déjà écoulé. Dès que la porte fut fermée, il me dit d’un air de ravissement que pour le coup il croyoit d’Antin solidement exclu, malgré tous ses appuis. Il nous conta qu’il savoit, par les valets intérieurs qui l’avoient vu, que le roi avoit dit